Intrigue 1 : Changer le monde, avancer ensemble

Changer le monde, avancer ensemble

Intrigue I

1er décembre 2021

« Non mais vous vous rendez compte ? Il lui a clairement dit qu'elle n'aurait pas de prime en raison de son absence des derniers mois. Alors qu'elle n'était pas en vacances ou quoi, elle donnait naissance à un bébé ! Vous trouvez ça normal, vous ? »

Pour la dixième fois au moins, tu hoches la tête, marmonnant quelques mots d'assentiment dans l'espoir que la bavarde finira par battre en retraite. Mais sans succès. Ça fait bien vingt minutes qu'elle te raconte ses malheurs, sirotant son café à si petites gorgées que tu commences à désespérer qu'elle déguerpisse un jour. D'ordinaire, tu aimes écouter les anecdotes de tes clients, compatir à leurs malheurs, parfois même tenter une esquisse de conseil, quand tu t'en sens capable. Mais aujourd'hui, tes yeux sont fixés sur l'horloge murale dont l'aiguille se rapproche dangereusement de 16h30. Il te reste à peine plus d'une demi heure pour t'échapper, verrouiller la caisse, baisser le rideau et rejoindre Hyde Park au pas de course avant l'allocution. Tu n'oses pas imaginer la réaction de ton frère si tu étais en retard un jour pareil… Il te semble l'entendre d'ici. Même un évènement historique ne peut imposer à Eileen Crivey d'être à l'heure. C'est vraiment maladif à ce stade !
Il n'aurait pas tout à fait tort, cela dit.
Sauf que tu es coincée. Elle pourrait continuer ainsi toute la soirée durant et tu détestes interrompre les gens… Aux grands maux, les grands moyens. Tu relèves les yeux vers Mrs. Dunham, guettant le quart de seconde où elle interrompra sa logorrhée verbale pour respirer. Et tu commences vraiment à te dire que sa capacité pulmonaire n'a rien d'humain… au moment où elle reprend enfin son souffle. Sans lui laisser le temps d'enchaîner, tu t'engouffres dans la brèche avec ton plus grand sourire.

« Je suis vraiment navrée Mrs. Dunham, mais je vais devoir vous mettre à la porte… Il y a l'allocution de la Ministre aujourd'hui et j'ai prévu d'y assister. Le Paddington rouvrira vers 19h, si vous voulez revenir. »
« Ah mais c'est vrai ! Oh moi, je n'y vais pas. Non mais vraiment, on marche sur la tête. Des sorciers ? Et puis quoi encore ? Pourquoi pas des fées ? Franchement ! Vous y croyez, vous ? Parce que moi, pas du tout. Je suis sûre que c'est un complot du gouvernement. Ils veulent nous faire peur. Mais ils auraient pu trouver autre chose, parce que vraiment… Ces enfantillages, là ça me dépasse. Ma voisine pense que les illuminatis sont peut-être derrière tout ça. Et vous savez quoi ? Je me dis qu'elle n'a peut-être pas tort. Encore que j'ai un doute. Ces gens-là sont plutôt discrets d'ordinaire mais là, essayer de nous faire croire que la magie existe… C'est vraiment trop gros. »

Si vous saviez, Mrs. Dunham. Si vous saviez.
Mais tu n'as vraiment ni le temps, ni l'envie de lui expliquer que oui, la magie existe. Qu'elle a rien d'un conte pour enfants. Qu'elle peut tuer. Et que cette situation est tout, sauf à prendre à la légère. Alors tu te contentes de la pousser délicatement vers la sortie, tandis qu'elle continue à discourir, glissant des illuminatis aux reptiliens, des reptiliens aux jeux vidéos qui asservissent la jeunesse et à la violence qui en découle. La fin de sa phrase se perd dans le claquement assourdissant du volet métallique que tu viens de rabattre devant la vitrine. Juste assez pour lui couper le sifflet une fraction de seconde, dont tu profites instantanément pour prendre congé.

16h40.
Miracle, tu devrais être à l'heure ! Sans un regard pour la bouche de métro voisine qui semble te narguer de son entrée béante, tu t'élances sur le trottoir, zigzaguant entre les passants avec l'aisance de l'habitude. Bientôt, les frondaisons d'Hyde Park se dessinent entre les immeubles, avant que la terre battue ne remplace le bitume sous tes semelles. Tu n'as guère besoin d'apercevoir l'attroupement pour trouver ton chemin – le Speaker's Corner a été l'un des points névralgiques de ta vie d'étudiante londonienne, pour combien d'heures à écouter orateurs et idéalistes refaire le monde jusqu'aux petites heures de la nuit ?
Tu ralentis légèrement le pas, une pointe d'appréhension dans la poitrine. Tous ces gens amassés, ce parterre de journalistes en grappe, les caméras, les agents de sécurité… Tout ça rend la situation bien trop réelle. La magie existe et maintenant, tout le monde le sait. Mais malgré les heures passées à ressasser cette idée dans tes insomnies, tu ne parviens toujours pas à savoir ce que t'inspire ce brusque rapprochement de deux mondes depuis si longtemps aveugles l'un à l'autre. Alors tu restes légèrement en retrait, les bras croisés, adossée à un arbre, cherchant du regard des visages connus. Il y a une telle diversité amassée là… Jeunes et vieux, hommes et femmes, gens ordinaires et sorciers. Tes yeux glissent des uns aux autres, incertains. Tu adresses un sourire rapide à Nathan, qui te le rend avec entrain, avant de foncer vers une sorcière toute proche, smartphone à la main. Tu n'oses imaginer sa réaction s'il apprend un jour que des proches de sorciers se réunissent deux fois par mois dans l'arrière salle de son café préféré…

Changer le monde, avancer ensemble

Intrigue I

01 décembre

Tu soupire en reposant l'imposant volume sur ton bureau. Tu aurais bien besoin de changer d'air.
Tu te lève et sors de ton bureau. L'étage est calme aujourd'hui. L'hôpital a retrouvé sa routine et sa sérénité un mois après le chaos qui y avait pris place. Du coin de l'oeil tu surveilles Igniatus ton interne. Il te remarque évidement. D'un sourire et d'un geste tu l'enjoins à continuer son travail sans s'occuper de toi. Ses gestes sont précis, il travaille avec calme et rigueur une qualité que tu apprécies.
Alors que tes pensées vagabondent Poppy déboule dans l'étage. Elle est l'opposée d'Igniatus. Energique et volubile ! Mais c'est pour ca que tu as choisis ce duo après tout.
Tentant sans succès de recoiffer sa tignasse rousse elle t'interpelle.

« Guérisseur Fortarome ! Votre sœur vous attends a l'accueil »
Tu vois dans son dos Méli passer l'embrasure de la porte
« Merci Poppy. Attendre n'est pas son fort »
Tu lui fait un clin d'œil avant d'aller a la rencontre de ta sœur

A peine arrivé à sa rencontre l'habituelle discussion silencieuse s'enclenche. A force d'habitude tes mains bougent aussi rapidement que les siennes.
« Je croyais que tu ne devais pas travailler aujourd'hui ? »
« C'est le cas je suis juste venu lire »
Ca ne lui plait visiblement pas. Pas étonnant.
« Menteur tu as ta tenue de guérisseur ! Tu m'accompagnes à l'allocution ? »
« Ah c'est aujourd'hui ? »
Tu va chercher ta veste sans attendre. Pas que cela t'enchante vraiment d'écouter l'allocution en direct mais Melinoé voulait y aller et dans ce genre d'évènement impossible pour elle de lire sur les lèvres.
Plus par reflexe que par intuition tu glisses une trousse de soin dans ton cartable de cuir avant de le passer en bandoulière et de verrouiller ton bureau.
« Bonne fin de journée les jeunes ! Eviter de tuer tous le monde avant mon retour »

Tu hésites à transplanner avant de te raviser. Tu signes:
« Allons y a pied ce n'est pas loin. Erin tient la boutique ? »
« Non elle et Lemony voulait aussi écouter. De toutes façon il n'y avait pas grand monde sur le chemin de traverse »
Au fur et a mesure de votre route de plus en plus de monde se presse en direction du parc.  Qu'ils soient moldus ou sorciers tous semblent curieux et impatient des révélations qui vont être faites. Cela se lit sur leurs visages et sur leurs pas empressés.

Une fois arrivé dans le parc tu vois Meli faire un signe de la main en direction d'une femme adossé à un arbre en retrait.
Tu fais un signe de tete poli sans savoir de qui il retourne. A ton regard interrogateur elle répond en quelques gestes
« Tu ne la reconnait pas ? C'est la propriétaire du Paddington. C'est juste en face de la maison ! »
Tu hausse les épaules tu n'as jamais eu la mémoire des visages
« Erin et Lemony sont la bas viens »
Tu n'as de toutes façon pas trop le choix de suivre alors qu'elle te prends par la main.
Arrivé dans le dos d'Erin et Lemony tu attends qu'ils aient fini leur conversation avant de les interpeler
« Bonjour ! Je ne suis pas le seul à être venu me sortir la tête du travail a ce que je vois !»
Tu observes un peu ce grand rassemblement incongru. Une fois au coeur de l'événement difficile de dire que ce qui se passe n'est pas historique il faut bien se l'avouer.

Changer le monde, avancer ensemble

Internal screaming

Intrigue I.
01 décembre 2021.

---

Eirin était arrivé tôt. “Tôt” signifiait deux heures avant, voulant être sur place avant toutes les caméras, avoir le temps de discuter avec les collègues, vérifier les lieux, observer les rassemblements.
Peu à peu, les gens arrivaient, se saluaient, s’évitaient, hésitaient. Les sorciers – tous ? – n’avaient pas pris la peine de s’habiller en non-sorciers. A quoi bon ? A quoi bon quand le secret qui conditionnait les relations – voire les non-relations – n’a pas été rétabli après un mois et demi ? Si les dirigeants comptaient rétablir le Secret Magique, ils se seraient précipités… non ?
C’était assez amusant de voir que personne n’osait se mélanger, pour le moment. On se regardait comme des bêtes étranges, peu certains encore de la véracité des annonces. Des sorciers ? Des non-sorciers ? Comment agir l’un avec l’autre ?
Dans le doute, ne nous mélangeons pas.
Eirin soupira. Il salua d’un hochement de tête quelques agents du MI5, grimés en agents de sécurités ou civils. Quand on connaît les têtes et les démarches, c’est plus aisé de les dénicher. Quelques collègues, aussi, qui arrivaient peu à peu, des têtes connues de Westminster, des clients du groupe de parole du Paddington – Eileen elle-même viendrait certainement – et des vagues connaissances.
Et quand les premières caméras, les premiers journalistes arrivèrent, Eirin battit en retraite pour se poster non loin, badge au fin fond de sa poche, sous un arbre aux branches nues. De là, il avait une bonne vue de l’ensemble de la situation – dont celle de Murray qui commençait à se faire harceler par une sorcière visiblement journaliste. Il avait une forte envie de prendre quelques preuves compromettantes à afficher sur le tableau de liège de Downing Street, à côté des missions en cours.
Il connaissait déjà, dans les grandes lignes et sans les emballages verbeux et diplomates, les mesures qui allaient être dévoilées aujourd’hui. Lorsqu’elles avaient été présentées aux membres du Bureau de Liaison, Eirin avait hurlé intérieurement aux deux tiers d’entre elles. Il avait argumenté contre certaines, pour d’autres. Mais ils n’avaient aucun pouvoir décisionnel sur ces mesures, à peine consultatif. Maintenant, il fallait faire avec, s’adapter en conséquence.
Son portable vibra. Amy qui pestait de ne pas pouvoir y participer, et le sommait à lui faire un compte rendu de tout ce qui se disait. Tu as promis, lui rappelait-elle depuis les bancs de la fac. Oui, il avait promis. Et il tiendrait sa promesse.
L’agent releva le nez de son portable et regarda d’un œil ennuyé Agatha Davis commencer à tirer la couverture à elle et critiquer le gouvernement – le job de l’opposition, certes. Et un Merlin l’enchanteur arriver, smartphone à la main et sautiller vers les personnes habillées en sorciers. Oh Diable. Si ces derniers voulaient les croire fous, le gamin aidait bien. Eirin prit une photo pour l’envoyer à Amy en lui disant que les sorciers avaient envoyé leur émissaire, ce qui lui valut un gif énervé de sa part. Au moins, il en souriait.
Puis il se rendit compte qu’il allait devoir expliquer Merlin l’enchanteur de Disney à Felicia quand elle arriverait, et là il allait rire...