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Sunshine like honeycombs ✴ Jin

Jin Young

Jin Young

• Âge : trente-huit ans
• Activité : oubliator
• Sang : mêlé
• Statut civil : célibataire
• Mornilles : 36
• Hiboux : 9
L'Œil de Lynx


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L'Œil de LynxMessageSujet: Sunshine like honeycombs ✴ Jin [ Sunshine like honeycombs ✴ Jin EmptySam 23 Oct - 21:11 ]

Seong-Jin Young

Only the young die good
nom Young. Originellement Yoon, son nom a été si souvent écorché, modifié, mal compris qu’il a cessé de le corriger et qu’il a finalement gravé dans les registres un nom bien anglais lors de sa naturalisation. Plus simple pour tout le monde. ; prénom(s)  Seong-Jin. Surnommé Jin, pour faire plus simple, la première syllabe de son prénom a fini par se perdre, et rares sont ceux qui l’utilisent encore.  ; date de naissance le 18 juin 1983, l'année du cochon. Il paraît que ceux nés sous ce signe sont foncièrement gentils et vrais. Il paraît. ; lieu de naissance Deokkudo, en Corée du Sud, au sein de la communauté magique de l’île de Deokku. Comme tous les enfants de l’île, il naît à l’hôpital local.  ; statut du sang Sang-pur ou sang-mêlé, il ne le sait pas. Le statut du sang n’existe pas sur Deokku. La communauté a plus d’importance que l’individu et ce qui importe, c’est que l’on soit sorcier, peu importe le nombre de générations. Dans les registres anglais, il a mis sang-mêlé, par précaution. ; emploi/activité oubliator pour le Ministère de la Magie anglais. Également Étudiant en Maîtrise des sortilèges. Il monnaye parfois ses services d’oubliator et aime jouer au détective privé afin d'arrondir les fins de mois.  ; statut civil et orientation sentimentale Hétérosexuel et célibataire. Il n’a jamais été très doué pour les relations, alternant courtes passions intenses et célibat prolongé.  ; patronus une mouette rieuse. Elles étaient partout sur l’île de son enfance, recouvrant les plages, les rues, les toits. Un petit morceau de là-bas qui l’a suivi jusqu’ici.  ; épouvantard Un dalgyal gwisin, un fantôme sans visage, présage de mort coréen. Il y en avait un qui habitait dans les montagnes de l’île. Il l’a vu. Il ne l’a jamais oublié. ; baguette une baguette de 32 cm, en bois de frêne. Elle contiendrait le coeur d'une corne de serpent cornu ; études il a effectué une scolarité discontinue à Poudlard, au sein de la maison Serdaigle. Il a également effectué deux ans à TánDì BáiShé Zhuán ; capacité(s) particulière(s) s’il utilise en grande majorité sa baguette magique, il connaît les techniques de magie utilisant la poudre, apprise de ses parents et lors de ses année dans l’école chinoise.

Caractère
:: individualiste - il a rarement pu compter sur les autres, et ne voit donc pas pourquoi les autres devraient pouvoir compter sur lui. Il n’hésite pas à se lancer seul s’il voit que cela lui permet d’aller plus loin et on lui reproche souvent son égoïsme ou son manque d’empathie. :: mesquin - il prend un malin plaisir à faire des coups bas, trouve beaucoup de satisfaction dans la vengeance et a tendance à réagir de manière disproportionnée lorsqu’on lui fait des torts. :: imaginatif - aussi bien dans la vie pratique que dans ses rêves, le monde sans limite de la magie lui semble presque étriqué. Il trouvera toujours des solutions aux problèmes, la plupart du temps là où on ne s’y attend pas. :: curieux - et rarement satisfait. Il n’aime pas les questions sans réponse, a du mal à passer à autre chose sans être arrivé au fin fond de l’histoire. Il aime les énigmes, les enquêtes, décortiquer les petits détails pour en savoir plus. :: jaloux - il n’a jamais pu s’empêcher de regarder les autres et de les envier. Il n’est jamais satisfait de ce qu’il a et cherchera toujours à avoir plus. Il ne partagera qu’avec ceux dont il est vraiment proche. :: secret - il n’aime pas parler de lui, de sa vie, de son passé. De la même manière, il trouve que ceux qui ne peuvent pas s’empêcher de le faire sont vulgaires, impolis. :: imprévisible - il étonne souvent ceux qui pensent le connaître, en bien et en moins bien. Il change d’avis aussi souvent que soudainement et passe d’une humeur à l’autre sans transition. :: méfiant - il a fini par se dire qu’il valait mieux prévoir le pire avec les gens, et n’accorde sa confiance qu’après un long processus de tests et de doutes. :: doux - dans son attitude et dans son tempérament. Il n’aime pas la violence et le bruit, préférant se replier sur lui-même ou s’enfuir lorsqu’il en est témoin. Il n’interviendra pas dans les querelles des autres, ne crie jamais et agira toujours de manière détournée plutôt que directe. :: mélancolique - malgré son passé chaotique, il ne peut pas s’empêcher de se demander s’il aurait eu une vie meilleure en restant sur l’île. Il finit par ne plus voir les mauvais aspects de cette vie, ne gardant en souvenir que les bons moments.


Anecdotes
:: 01 Il déteste la mode sorcière anglaise, surtout les robes de sorcier et les capes, qu’il trouve vraiment pas pratiques :: 02 Il apprécie la nature, particulièrement le bord de mer, qui lui manque à Londres. Pour compenser, il cultive un petit jardin qui lui sert de retraite lorsqu’il en a besoin :: 03 Il ne supporte pas de laisser les choses au hasard, déteste les jeux d’argent et ne parie jamais, même amicalement :: 04 Il fabrique ses propres encres, en broyant les pigments lui-même et en les mélangeant. Il les utilise pour écrire, mais également pour peindre et couvrir des parchemins entiers de paysages troublés et de silhouettes translucides :: 05 Hors de question pour lui de monter sur un balai. Décoller à plus d’un mètre du sol lui donne le vertige et la nausée :: 06 Il a une mémoire insolite, n’oubliant jamais un nom ou un visage et mémorisant facilement le moindre petit détail :: 07 Il ne se sépare jamais d’un carnet et d’une plume où il aime noter tout ce qui lui passe par la tête, que ce soit la tenue excentrique de quelqu’un qu’il vient de croiser, un mot qu’il n’avait jamais entendu avant, ou ses ressentis sur les autres. Il écrit tout en coréen, au cas où quelqu’un s’amuserait à regarder par dessus son épaule  ou s’il perdait l’un des carnets :: 08 Il déteste la violence, préférant se tenir le plus éloigné possible des conflits. Il préfère agir dans l’ombre plutôt que directement, les résultats sont moins voyants, mais plus durables :: 09 Passionné par les contes et légendes du monde entier, il traîne souvent dans ce rayon des librairies et bibliothèques. :: 10 Nostalgique, il retourne de temps en temps sur l'île de Deokku depuis que ses grand-parents sont morts, pour se ré-imprégner de la vie là-bas. Malgré tout ce temps, il s'y sent toujours chez lui.

Questions
Que faisais-tu le 13 octobre ? Comment as-tu vécu cette journée ?

TLDR:

Quand l’ascenseur s’est brusquement arrêté, il y a d’abord eu un petit moment de flottement. Ces quelques secondes d’incrédulité pendant lesquelles on n’a pas encore peur. Je suis tombé à genoux sous le choc, et il m’a fallu un moment pour réaliser qu’autour de nous, c’était le noir complet. Quelque chose a touché mes cheveux et j’ai failli hurler, avant de réaliser qu’il ne s’agissait que d’une note de service qui avait interrompu son vol. Puis elle est arrivée, la panique. Une sueur froide dans le cou, et la soudaine impression d'étouffer. Mes mains tremblaient, je n’arrivais même pas à tenir ma baguette correctement. Le pauvre Lumos qui était sorti de mes lèvres était si faiblard qu’il ne permit même pas la moindre lueur. J’ai entendu un bruit mou à côté de moi, et j’ai pensé que l’autre occupant de l’ascenseur avait dû s’écrouler au sol. J’entendais sa respiration, l’air qu’il faisait bouger, mon air ! Il n’y aurait pas assez d’air pour nous deux, il fallait que je trouve un moyen de sortir. J’ai tâtonné autour de moi, cherchant les parois, jusqu’à trouver la grille d’entrée de l’ascenseur. Je n’entendais plus que le sang qui battait à mes tempes, et mon souffle qui se faisait trop rapide. J’ai essayé de lancer un sortilège simple d’ouverture, mais rien ne s'est passé. Des sorts de première année, pourtant. Alors j’ai gratté, comme un animal en cage. Je me suis abîmé les ongles sur cette grille, comme si j’allais pouvoir l’ouvrir avec mes pauvres doigts humains. J’ai fini par m’arrêter et par m’asseoir sur le sol, rendu à l’évidence. J’allais rester coincé ici. L’ascenseur était arrêté, les lumières éteintes, les notes de service ne fonctionnaient plus. Je ne pouvais même plus lancer un simple sort, et j’ai commencé à me dire que peut-être ce n’était pas que la panique qui m’invalidait ainsi. Peut-être que quelqu’un avait jeté un sort sur l’ascenseur. J’avais reconnu l’autre occupant comme un homme que j’avais rencontré des années plus tôt, et pour qui j’avais accompli un travail peu reluisant. Un homme comme ça, ça a des ennemis. Peut-être que tout était sa faute. On n’aurait pas deviné, à l’entendre sangloter ainsi.

J’ai eu l’impression de rester immobile pendant plusieurs heures, à rationner ma respiration. Et soudain, une lumière. Blanche, presque iréelle. Elle venait d’un petit appareil que l’autre tenait à la main et elle éclairait à peine, mais à ce moment-là, je crois que je n’ai jamais été aussi heureux de voir un tel petit bout de lueur. Je ne sais pas si c’est grâce à cela, mais plus les minutes passaient, et plus je me sentais retrouver mon calme. Je suivais des yeux la lumière tandis que l’homme la faisait bouger autour de nous. Et d’un commun accord, nous nous sommes mis au travail. Grâce à la lueur, nous avons plus trouver le mécanisme de la porte, et à force de pousser dessus, tirer, secouer, nous avons pu nous glisser hors de cette horrible cage. Atteindre le sol a été une autre histoire, et je sais pas par quel miracle nous avons fini par y parvenir. Le Ministère entier semblait s’être éteint. Partout, du noir, du silence. A la lueur de l’appareil, nous avons vu des notes de service traîner au sol, et découvert les portraits aux murs qui s’étaient figés, parfois dans des positions grotesques, en plein milieu d’un bâillement. L’étage où nous étions m’était inconnu, et semblait vide. Nous avons parcouru les couloirs au hasard, jusqu’à une porte dont on pouvait voir une lueur filtrer par dessous. Elle s’est ouverte sans faire d’histoire et j’ai reconnu sans l’avoir jamais visitée cette salle où on stockait les souvenirs des procès depuis vingt ans. Des rangées et des rangées de petites fioles brillantes et étiquetées avec soin, et de grosses pensines paisibles, qui émettaient cette lumière qui nous avait attirés.

Est-ce l’ennui, la curiosité, l’attrait de l’aubaine qui nous a fait agir ainsi ? Un mélange des trois, probablement. Nous avons regardé les souvenirs. D’abord prudemment, comme des enfants qui ont peur de se faire prendre en faisant une bêtise, puis sans honte, grisés par l’envie d’en savoir plus. Après tout, il n’y avait personne ici, et il est évident que l’occasion de remettre les pieds dans cette salle ne se représenterait pas de sitôt. Tout en observant les fioles, je ne pouvais pas m’empêcher de me poser la question. Pourquoi est-ce que tous les sortilèges de protection de cette salle avaient sauté ? Pourquoi n’arrivions nous plus à utiliser la magie ? Pourquoi est-ce que personne ne se précipitait pour nous arrêter ? Cela me trottait dans la tête, tandis que j’inspectais les fioles en cherchant des noms que je connaissais. Celui de mon compagnon est apparu plusieurs fois, et il semblait particulièrement intéressé par celui d’une autre personne. Quant à moi, je n’ai pas trouvé grand chose.  
Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé dans cette salle. C’est difficile à dire lorsqu’on passe son temps à faire des aller-retours entre les souvenirs et le monde réel. Mais alors que nous venions d’assister à une scène particulièrement ennuyeuse impliquant des gobelins, j’ai entendu un bruit qui venait de l’extérieur. Dans un sursaut, j’ai lâché la fiole que je tenais et heurté l’une des pensines, qui a vacillé quelques secondes. Avec horreur, j’ai vu quelques uns des flacons posés au bord plonger vers le sol, sans que je ne puisse effectuer un geste pour les rattraper. Le bruit qu’ils firent en se brisant m’ont semblé résonner dans toute la pièce, et au-delà. Après quelques secondes abasourdis, la panique nous a repris, mais rattraper le précieux fluide des souvenirs et reconstituer les flacons s’est avéré impossible sans magie. Alors nous avons fait tout ce que bon sorcier fait après s’être mis dans le pétrin. Nous avons pris la fuite.

Tout est revenu à la normale peu de temps après. Nous avons erré dans les couloirs du Ministère, à la recherche d’âme qui vive, tout en espérant ne croiser personne après notre léger incident. Et aussi soudainement que cela s’était arrêté, la vie à repris. J’étais épuisé, j’avais faim, soif, un peu froid. J’ai lancé un coup d’oeil entendu à mon partenaire de crime, et comme ça, en silence, nous nous sommes accordés pour ne jamais révéler ce qu’il s’était passé. Les souvenirs que j’ai vu ne semblaient pas très importants pour la plupart, mais notre simple présence dans cette salle aurait à mon avis suffit à nous obtenir une petite audience disciplinaire.

Je suis rentré chez moi comme si de rien n’était, peut-être un peu trop nonchalamment même étant donné que, selon ce qu’il se chuchotait, l’entièreté de la magie avait disparu pendant vingt-quatre heures. Mais l’expérience m’avait semblé trop irréelle pour être vraie, et si le monde magique n’étais pas en branle-bas de combat depuis quelques jours, j’aurais tendance à me dire que j’ai tout simplement rêvé.


Que penses-tu de la brèche et de l’implosion du Secret magique ?
Pourquoi ? Pourquoi mélanger ces deux mondes qui n’ont rien en commun et qui vivent sereinement l’un à côté de l’autre depuis des millénaires ? Que vont apporter le monde moldu au monde sorcier, et que pourrait apporter le monde sorcier au monde moldu ? C’est vrai que comme ça, on pourrait se dire qu’en un tour de baguette magique, on pourrait régler tous leurs problèmes, la faim dans le monde où le cancer. Mais on sait très bien que tout ce que les moldus voudront, c’est un sort pour que leurs avions aillent plus vite, ou pour que leurs usines produisent plus. Les plus corrompus voudront utiliser la magie qu’ils ne connaissent pas pour leur propre bénéfice, les plus logiques voudront créer des lois pour tenter de se l’approprier, la maîtriser, réguler son utilisation alors qu’ils n’y connaissent rien, les plus sages voudront l’étudier, la disséquer, la ramener à leur échelle alors qu’ils ne peuvent même pas imaginer toute l’ampleur de la magie, coincés comme ils sont dans leur science. Ils vont mettre sur le dos des sorciers toutes leurs erreurs passées, toutes leurs guerres, leurs atrocités, et clamer qu’on aurait dû les en empêcher. Chaque moldu voudra prendre un petit morceau de la magie, égoïstes et avides comme ils sont. Seuls les sorciers devraient pouvoir intervenir sur la magie, et pour le garantir, le mur entre les deux mondes n’aurait jamais dû disparaître.
Et en plus de ça, je vais probablement perdre mon travail.


Hors jeu
Identité : coucou c'est moi, pewpew ! ; As-tu déjà fait du jdr forum ? oui ; As-tu déjà fait du jdr vocal ? vraiment à peine ; Comment as-tu découvert le forum ? coucou les admins qui ont pensé à moi, je vous love ; Avatar et crédit : Gong Yoo @littlenono; En cas de départ, mon personnage peut devenir [] un PV, [X] un PNJ ou [X] être tué par le staff (en vrai faite le plutôt repartir dans son pays d'origine, please, j'aurais le coeur brisé) ; Un dernier mot :

Vous avez lu une fiche, vous êtes sûr ?:
 
Jin Young

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L'Œil de LynxMessageSujet: Re: Sunshine like honeycombs ✴ Jin [ Sunshine like honeycombs ✴ Jin EmptySam 23 Oct - 21:12 ]

Histoire
1/3
tw : harcèlement - suicide - dépression - rejet - mort


Chronologie:


Il existe dans la mer de l’Est, au sud de la péninsule coréenne, une petite île d’à peine quelques kilomètres de long, au coeur d’un archipel qui n’est répertorié sur aucune carte moldue. Les bateaux qui s’aventurent dans ce coin de mer ne voient qu’une nappe de brouillard comme il en existe des milliers à la surface de l’océan, et la traversent sans rien rencontrer. Pourtant, elle est bien là, cachée, et depuis des siècles, elle abrite la communauté sorcière de l’île de Deokku.

L’île de Deokku en elle-même n’a rien de remarquable. C’est une petite île rocheuse et venteuse, bordée de falaises où viennent s’écraser de hautes lames salées et de plages sableuses souvent recouvertes de hordes de mouettes. L’été se déroule dans une chaleur moite, entrecoupée de lourdes pluies qui détrempent les paysages, tandis que l’hiver y est froid et sec. A la fin de l’été, les typhons secouent la zone, mais l’île est épargnée, protégée par les nombreux sorts et enchantements de protections mis en place et entretenus par les habitants depuis des générations. Les habitations se regroupent pour la plupart vers les côtes, maisons de pierre colorées fleurissant à flanc de roches, dominant la mer et entourant de petits ports de pêche aux allures anciennes. L’activité principale y est la pêche, et c’est lorsque l’aube n’a pas encore pointé le bout de son nez que l’agitation semble la plus dense. L’une après l’autre, les embarcations quittent le port pour revenir quelques heures plus tard, les filets chargés de poissons, crustacés et coquillages. Vue de loin, l’activité magique semble presque inexistante, et pourtant elle est belle et bien présente. Car chaque habitant de l’île, enfant comme adulte, appartient au monde sorcier. Depuis longtemps isolée du continent, la communauté de Deokku, qui comporte environ six cent individus, vit en autarcie, avec ses propres règles, sa propre éducation et ses propres moyens, bien que sous l’autorité du Ministère de la Magie Coréen. Comme de nombreux pays d’Asie du sud-est, on y pratique la magie des poudres, spécialité de l’école de TánDì BáiShé Zhuán, où sont envoyés tous les enfants.

Malgré son isolation, l’île est néanmoins connue pour deux choses. La première, c’est le secret qui l’entoure. Incartable, elle n’est accessible que par ses actuels habitants, il n’est possible de rejoindre la communauté que par mariage, ou afin de trouver refuge. Chaque nouvel arrivant fait l’objet d’un long processus d’observation et d’interrogatoires par un conseil d’habitants sélectionnés au hasard, afin de déterminer s’il est apte ou non à rejoindre la communauté. Il sera alors soumis à un serment magique, promettant de ne révéler à personne l’emplacement de l’île, ou comment s’y rendre. Briser ce serment entraîne la mort, et il n’est pas possible de revenir dessus. Nombreux sont ceux qui ont tenté de la trouver, simples curieux ou explorateurs aguerris, sans jamais y parvenir.
Mais il n’y a pas que la curiosité qui aiguise l’appétit de ces chercheurs, car c’est sur l’île de Deokku que se trouve l’uneun dol, une pierre qu’on ne trouve que sur l’archipel, sur la montagne qui s’élève au centre de l’île et qui ne semble apparaître que par temps de pluie. Dès que la terre devient humide, ces petits cailloux gros comme le poing fleurissent comme des champignons. En les broyant, on en extrait un pigment bleu nuit, presque noir dont on se sert pour faire des encres. Il est dit que c’est l’une des plus belles couleurs du monde, et les pigments d’uneun dol, très recherchés et rare à trouver en dehors de l’île valent une véritable fortune. Si les habitants gardent jalousement l’uneun dol, c’est aussi à cause de ses pouvoirs. Il est dit que l’encre qu’on en tire a des propriétés magiques particulièrement puissantes. Avec cette encre, on écrit sur des parchemins des poèmes, appelés gido, faisant office de talismans ou de support pour la magie. Certains gido tiennent sur une simple étiquette, et sont destinés à être portés comme talismans, d’autres provoquent des effets lorsqu’ils sont lus à voix haute, et certains gido, long parfois de plusieurs rouleaux, ont la réputation de pouvoir modifier l’avenir, contrer la mort ou rendre riche ou célèbre la personne qui les lit, bien que leur existence n’ait jamais été prouvée. Les véritables gido, tout comme les pigments d’uneun dol sont extrêmement rares et se vendent pour des sommes exorbitantes, et les faux gido inondent le marché asiatique. Lorsque Deokkudo décide d’exporter ces ressources, les revenus récoltés vont à l’ensemble de l’île et servent à entretenir les aménagements publics.

Derrière ses airs de légende, l’île de Deokku et sa communauté ne sont pourtant pas si différentes du reste de monde sorcier de Corée du Sud. A l’âge de cinq ans, les enfants vont à l’école locale pour y apprendre la lecture, l’écriture, les chiffres et toutes les disciplines habituelles, mais aussi les bases théoriques de la magie. Ils y apprennent le nom des plantes, des pierres, des coquillages, des insectes et des os à broyer pour en extraire poudres et pigments, la création des encres, les techniques d’écriture des gido et d’inflammation des poudres, les mélanges médicaux de base. Sans véritables ingrédients, il ne s’agit là que de théories qui leur donneront de solides bases lorsqu’ils rejoindront TánDì BáiShé Zhuán, afin que personne ne puisse dire que les élèves coréens de Deokkudo ne sont pas à la hauteur. Une fois leurs études terminées, les sorciers majeurs n’ont pas obligation de rester sur l’île, même si la très grande majorité d’entre eux font ce choix. Entre la pêche, l’hôpital, l’école, les commerces, l’agriculture et les industries locales, l’activité ne manque pas, et la possibilité d’aller travailler sur le continent grâce aux cheminées est toujours ouverte.
La vie est paisible sur l’île de Deokku.


1990

Un cri s’éleva sur la plage, faisant sursauter quelques mouettes qui sommeillaient non loin. Elles s’envolèrent mollement, dérangées par ce groupe d’enfant qui envahissait leur territoire.
« Yoon Seong-Jin a trouvé un ormeau ! Regardez ! »
Une douzaine de petits pieds frappèrent le sable humide dans une course effrénée, accompagnés d’exclamations ravies. Les enfants se mirent en cercle, chacun cherchant à être au premier rang pour voir de plus près le coquillage nacré. Une main s’avança pour toucher le trésor, mais fut rapidement repoussée.
« Il est à moi ! »
« Ce n’est pas parce que tu l’as ramassé qu’il est à toi ! Je l’avais déjà vu il y a dix minutes, et je suis plus vieux que toi. Il devrait être à moi ! »
Les sourcils se froncèrent et les arguments fusèrent de tous les côtés, chacun ayant son avis sur le propriétaire légitime du coquillage. On allait en venir aux mains, quand l’un des enfants fit remarquer que le soleil se couchait à l’horizon. Et sur ce signal, toutes les querelles furent remises au lendemain, et les silhouettes filèrent sur la plage en direction des lumières qui illuminaient la ville proche.

Les mains serrées sur le coquillage, Seong-Jin couru le long de la jetée, en faisant attention à ne pas se prendre les pieds dans les filets et les cordes que certains pêcheurs négligeaient de ranger. Pour l’instant, la marée était basse, mais à marée haute, l’eau pouvait parfois recouvrir la jetée, et laisser la pierre visqueuse et recouverte d’algue. Il était alors facile de se rompre le cou. Pour cette raison, il n’avait pas le droit de parcourir la jetée, mais c’était beaucoup rapide que de faire le tour pour trouver l’escalier qui partait de la plage et remontait jusqu’au sentier de promenade surplombant l’océan. Il passa devant les petits étals de pêcheurs, auxquels étaient suspendus crochets et bacs pour l’instant vide, mais qui serviraient à montrer le poisson au marché du matin. Le port était aussi silencieux qu’un cimetière. Ce n’est qu’en s’éloignant un peu du bord de mer que les rues s’animèrent. Seong-Jin interrompit sa course, adoptant un pas rapide en raison des passants plus nombreux. Il se faufilait entre les adultes aussi facilement qu’une anguille. Personne ne faisait attention à lui de toute façon. A la lumière des lanternes magiques qui flottaient, les habitants de Deokkudo se retrouvaient aux abords des échoppes pour terminer leur journée. Devant la boucherie Deokku, le fils du boucher faisait griller des tranches de viande dont le fumet se mêlait à celui des maquereaux rôtis de la vieille Min, un peu plus loin dans la rue. Il s’arrêta devant l’échoppe de Kim Ha-Neul, pour lui faire admirer les reflets de l’ormeau. Elle s’extasia, compara la couleur nacrée de la coquille au gris de ses cheveux et lui permit de l’aider à réapprovisionner la poudre des lanternes de son magasin. Puis, elle lui offrit une patate douce tout juste sortie du four, et il l’attrapa en se brûlant les doigts. Le capitaine Chang, qui dirigeait la Geunyeom, éclata de rire en voyant la scène et s’assit sur l’une des caisses en bois renversées qui entouraient une petite table en bois usée. Trois de ses marins, deux hommes et une femme le rejoignirent, et Kim Ha-Neul disposa devant eux quatre petits verres, avant d’apporter une bouteille au liquide transparent. D’un geste, elle chassa Seong-Jin, qui fila sans demander son reste. C’était l’heure des adultes, désormais.

Il remonta les rues qu’il connaissait par coeur, jusqu’à la promenade du bord de mer. Ici, les lieux étaient plus calmes, les échoppes de raréfiaient pour laisser place à de petites maisons basses et colorées. Il avait beaucoup plu ce matin, et à l’angle d’une ruelle, un petit groupe de cinq personnes préparait des lanternes pour partir à la recherche d’uneun dol. D’un geste expert, ils disposaient la poudre sur le socle des lanternes, puis l’enflammaient d’un geste de doigts. Les flammes jaillissaient alors, froides, et projetaient des lueurs d’un bleu-vert aquatique. Elles brûleraient ainsi pendant des heures, et leur teinte fantomatique feraient particulièrement ressortir les couleurs des uneun dol, facilitant leur repérage par les chercheurs. Peut-être auraient-ils la chance d’en trouver cette nuit. Fasciné, Seong-Jin s’arrêta pour les contempler, jusqu’à ce que les derniers reflets des lanternes aient disparu à l’angle de la rue.

Quelques minutes plus tard, il poussait la porte d’entrée d’une maison bleu ciel, à la peinture légèrement délavée, qui se trouvait dans l’angle d’une ruelle, et dont la façade ouest s’étalait juste au dessus de la mer. A peine avait-il mis un pas dans l’entrée qu’il s’arrêta, tendant l’oreille. Une voix supplémentaire, qu’il n’avait pas entendu depuis longtemps lui venait du séjour. Il bondit.
« Ji-Hun ! »
Il avait complètement oublié qu’on était le premier jour de juin, et qu’aujourd’hui, son frère rentrait à la maison. Assis à table, l’adolescent portait encore l’uniforme de TánDì BáiShé Zhuán. Seong-Jin se précipita vers lui, avant d’être accueilli par un pied qui le repoussait.
« AH ! Tu sens les algues ! »
Seong-Jin s’accrocha à cette jambe et lutta avec pendant quelques seconde en riant, avant de finalement se retrouver au sol. En face de lui, Ji-Hun lui décrochait un visage hilare, et lui montra l’un des dragons qui ornait son uniforme, remontant le long de sa manche.
« Celui là s’appelle Di-long, le cinquième dragon. Tu as vu, comme j’ai parfaitement réussi ma cinquième année, il a cinq griffes au lieu de quatre. »
Brodé dans un fil d’or chatoyant, Di-Long dardait un oeil rubis sur Seong-Jin, et ses babines se retroussèrent tandis qu’il faisait rouler ses anneaux. Seong-Jin posa son doigt sur tous les dragons qui ornaient la tunique de son frère, l’un après l’autre.
« Huang-long, Ying-long, Tian-long, Fu-Tzan-long… et Di-long. »
« Pan-long l’année prochaine, et ensuite Shen-long, et j’aurais terminé. »
Seong-Jin contemplait avec envie le tissu richement décoré, tandis que son frère bombait le torse pour faire briller les écailles cousues. Un jour, lui aussi aurait l’occasion de faire admirer les sept dragons à sa famille, et au reste de l’île. Et ils auraient tous cinq griffes aux pattes.


1991

Les yeux rivés sur le sol, Seong-Jin se dépêchait de mettre ses chaussures pour quitter l’école, avant que la bande de Lee Byung-Ho ne le remarque. Il en avait marre de Lee Byung-Ho, qui n’arrêtait pas de dire que parce qu’il était le plus âgé de la bande, tout devait lui revenir. Heureusement, l’année prochaine, il partirait à TánDì BáiShé Zhuán, et Seong-Jin aurait la paix. C’était son ami avant, comme les autres. Il faisait partie de la bande, ils allaient ensemble chercher des coquillages et des pierres à broyer après l’école. Parfois, la mère de Lee Byung-Ho invitait tous les enfants l’après-midi et ils faisaient leurs devoirs assis en rond, tous ensemble, en buvant du chocolat chaud. Elle continuait de le faire, mais désormais, elle n’invitait plus Seong-Jin. La mère de Kim Woo-Gon non plus, ni celle de Park Chae-Won. Pourtant, Park Chae-Won habitait la maison juste à côté de la leur, et ils avaient le même âge. Ils avaient grandi ensemble, et il était amoureux d’elle. Mais quelques semaines plus tôt, sa mère avait déclaré que la mère de Park Chae-Won n’était qu’une menteuse, une sale nyeon, et qu’à partir de ce moment, elle et toute sa famille étaient bannis de leur cercle d’amis. Ça n’était pas la première fois que cela arrivait, et Seong-Jin avait vu avec inquiétude le nombre de ses camarades auxquels il n’avait pas le droit de parler augmenter au fil des mois.

Pourtant, quand la ville avait appris que le père des pauvres Ji-Hun et  Seong-Jin était mort au cours d’une mission qu’il effectuait pour son travail, ils avaient tous sympathisé. La vieille Min leur avait fait griller le poisson que le capitaine Chang avait offert, les voisins étaient venus à tour de rôle brûler de l’encens et des poudres apaisantes, et offrir des gido pour apaiser leur chagrin. Et Seong-Jin avait pleuré, pleuré, pleuré, surtout quand sa mère lui avait dit qu’en l’absence de Ji-Hun, c’était lui l’homme de la maison désormais. Une responsabilité bien trop lourde pour ses petites épaules d’enfant. Mais il s’en était acquitté avec bravoure, même si voir le siège de son père vide à table lui tordait l’estomac, l’empêchant d’avaler la moindre bouchée. Il avait souvent regretté de ne pas avoir un père comme celui de Lee Byung-Ho, qui était pêcheur, avait son propre bateau et mesurait presque deux mètres de haut. Le père de Lee Byung-Ho pouvait porter d’un seul bras des caisses de homard plus lourdes que lui, sans avoir à utiliser la magie, et pendant la fête des lanternes, il faisait des démonstrations de pyromancie que personne n’arrivait à égaler. Lorsque le père de Lee Byung-Ho venait parfois le chercher à l’école, il le hissait sur ses épaules, et lui promettait de l’emmener participer à la pêche du lendemain matin, s’il s’en sentait assez courageux, et Seong-Ji était terriblement jaloux. Il avait presque honte de son propre père, qui n’était jamais venu le chercher à l’école, qui semblait avoir parfois du mal à gravir l’escalier qui menait au temple, et qui n’avait probablement jamais mis les pieds sur un bateau de sa vie. Il venait de Seoul, il avait rencontré sa mère là-bas, et grand-mère Bora disait souvent que les hommes de la ville n’avaient rien à faire ici. Mais désormais, Seong-Jin aurait donné n’importe quoi pour le voir à nouveau.
Il n’avait même pas remarqué les regards qu’avaient commencé à lui jeter les gens lorsqu’il les croisait en accompagnant sa mère au marché du soir, trop aveuglé par son chagrin. Il avait surpris des chuchotements, mais sa mère l’avait tiré par le bras lorsqu’il avait essayé d’écouter. Il était sûr d’avoir entendu la vieille Min dire que c’était couru d’avance, que cet homme ne s’était jamais occupé de ses enfants, et que ça n’était qu’une question de jours avant qu’il ne jette l’opprobre sur toute sa famille, voire sur l’île entière, et il s’était senti très en colère de l’entendre parler ainsi de son père. Et quand Kim Ha-Neul lui avait dit de déguerpir, et de dire à sa mère qu’elle ne les servirait plus lorsqu’il était allé faire les courses pour sa mère, il s’était éloigné, sans comprendre pourquoi il se faisait réprimander ainsi.

Et un jour, il avait compris. Comme d’habitude, il suivait Lee Byung-Ho et la bande après l’école, en direction de la plage. Ils allaient ramasser des goémons de varech à faire sécher pour l’école. Les autres chuchotaient, et riaient en lui jetant des regards, et Seong-Jin s’agaçait de ne pas être mis dans la confidence. Soudain, Lee Byung-Ho s’était arrêté et s’était tourné vers lui.
« Pourquoi tu nous suis ? »
Seong-Jin l’avait regardé sans comprendre, sans savoir quoi répondre. Il avait ouvert la bouche, mais sans explication logique, il ne savait pas quoi dire. Il les avait toujours suivi, depuis qu’il savait marcher. Lee Byung-Ho avait éclaté de rire.
« On dirait un poisson-lune ! Yoon Seong-Jin le poisson-lune ! »
Tous les autres avaient repris ce surnom en choeur, et Seong-Jin avait senti les larmes lui monter aux yeux. Des larmes de colère et d’humiliation. Il avait tenté de se défendre, sans résultats. Puis il avait fini par tenter de pousser Lee Byung-Ho, qui faisait une tête de plus que lui, et qui n’avait eu aucun mal à lui mettre la tête dans le sable.
« Tu ne sais même pas que ton père est parti avec une sale maguo ! »
L’insulte avait frappé Seong-Jin de plein fouet. Il s’était mis à hurler.
« Sale menteur ! Mon père est mort au Ministère. »
Mais Lee Byung-Ho s’était mis à rire, accompagné par tous les autres, puis était redevenu sérieux en un clin d’oeil.
« Arrête de nous suivre. »
Et ils étaient partis. Il ne les avait pas suivi.


1992

C’était le dernier jour d’école avant les vacances, et à la sortie de classe, les enfants se bousculaient en hurlant pour arriver plus vite au dehors. Mais Seong-Jin, lui, rasait les murs. Il ne voulait pas se faire encore bousculer. Mais à peine avait-il fait quelques pas que la silhouette de Lee Byung-Ho surgit devant lui. Il tenta de le contourner par la droite, puis la gauche, sans y parvenir. Lee Byung-Ho lui bloquait le passage. Seong-Jin leva le nez vers le garçon qui le toisait.
« Yoon Seong-Jin le poisson-lune, ma mère m’a dit que ta mère n’avait plus le droit de travailler à l’hôpital. »
Seong-Jin garda le silence. Il savait que c’était vrai. Il savait que c’était à cause de toutes les bouteilles de Soju vides qu’il trouvait le matin devant la porte d’entrée.  
« Comme elle n’a plus de travail, elle n’a plus d’argent, n’est-ce pas ? Mon père m’a dit qu’il fallait toujours aider les pauvres. »
Seong-Jin tressaillit. Qu’est-ce que Lee Byung-Ho pouvait bien lui vouloir ? Il avait l’air parfaitement sérieux en disant ça, et il n’avait pas tort. Depuis que sa mère avait perdu son travail, ses grand-parents n’arrêtaient pas de venir à la maison et de parler d’argent. Est-ce que tout le monde savait qu’ils étaient pauvres maintenant ?
« Il a plu hier. On va aller chercher un uneun dol, et le vendre pour donner l’argent à ta famille. On y va maintenant. »
Seong-Jin resta abasourdi. Ils n’avaient pas le droit d’aller dans la montagne seuls, et certainement pas à cette heure là, alors que la nuit allait bientôt tomber. Et la soudaine générosité de Lee Byung-Ho lui paraissait anormale. Pourtant, ils s’inclinèrent tous devant lui, présentant leurs excuses les uns avec les autres. Et il choisit de les accompagner.

Il faisait bon de faire à nouveau partie d’un groupe. Comme quelques mois plus tôt, il chahutait, éclatait de rire comme s’il ne s’était rien passé. Malgré l’inquiétude qui le prenait à l’idée de se retrouver seuls dans la montagne à la nuit tombée, il suivait bravement les autres. Sa mère pardonnerait sa désobéissance s’il ramenait un uneun dol. Pourtant, l’obscurité se faisait de plus en plus dense, et malgré lui, il sentait son coeur battre de plus en plus vite. Il sursauta presque lorsque Lee Byung-Ho arrêta le groupe d’un ordre.
« Regardez, c’est un nid dans l’arbre, là ! Qui grimpe voir s’il y a des oeufs ? »
Le silence se fit. Personne n’avait envie de grimper là dedans.
« Le poisson-lune ! »
Une voix s’était élevée, et Seong-Jin sentit son sang se figer dans ses veines. Il fit non de la tête, mais Lee Byung-Ho le poussa vers l’arbre.
« Vas-y, récupère les oeufs, on se fera une omelette. A moins que tu ne sois qu’un trouillard. »
De nouveaux éclats de rire.
« D’accord, j’y vais. » annonça Seong-Jin, soudainement très calme. Il en avait assez qu’on se moque de lui. Il allait leur montrer qu’il pouvait récupérer les oeufs, et trouver un uneun dol. il s’avança vers l’arbre, et lentement, amorça l’escalade, indifférent aux exclamations de ses camarades qui l’intimaient d’aller plus vite. Une fois arrivé au nid, il regarda à l’intérieur. « C’est vide ! » annonça-t’il, déçu. Mais personne ne lui répondit. Il regarda vers le sol, et son coeur manqua un battement. Il n’y avait plus de trace des autres au pied de l’arbre. Il était seul. Du coin de l’oeil, il vit le manteau rouge de l’un des enfants disparaître derrière un buisson et il se maudit d’avoir été aussi idiot. Bien sûr qu’ils n’avaient jamais voulu l’aider, ils avait juste voulu se moquer de lui, et ils avaient réussi. Il avait l’air d’un abruti maintenant.

Sans cesser de ruminer, il descendit de l’arbre avec précaution, s’écorchant les mains aux branches encore humides. Mais une fois à terre, la colère laissa place à la peur. Il ne voulait pas laisser aux autres la satisfaction de savoir qu’il avaient réussi à le déstabiliser, même s’il mourrait d’envie d’appeler à l’aide. Alors il se mit en route en direction de là où il avait vu le manteau rouge disparaître.
La forêt était atrocement silencieuse et bruyante à la fois. De tous les côtés s’élevaient craquements, bruissements de feuilles et autres bruits qu’il n’arrivait pas à identifier. Et, par dessous tout ce raffut, les battements de son propre coeur qui résonnaient à ses oreilles. Il était seul, parfaitement seul, et il n’avait aucune idée de là où il était. Il finit par s’arrêter, découragé, effrayé. Qu’allait-il se passer s’il ne retrouvait plus le chemin de la ville ? Il devrait attendre le jour, peut-être qu’on viendrait le chercher. Mais comment survivre jusque là ? Il n’avait pas les connaissances des adultes, il ne savait pas encore utiliser la magie. Un craquement plus bruyant que les autres le fit sursauter, et il se recroquevilla sur le sol, terrifié. C’était tout proche, beaucoup trop proche. Il pria tous les esprits de la forêt et les sept dragons de TánDì BáiShé Zhuán, espérant qu’il s’agissait là de Lee Byung-Ho qui venait constater les effets de sa mauvaise plaisanterie. Seong-Jin releva la tête, et fixa la silhouette qui se tenait en face de lui, lui tournant le dos. Elle n’avait pas de pieds, et ses vêtements blancs et sales pendaient en lambeaux sur ses bras blancs.
Cours.
Mais Seong-Jin ne pouvait pas bouger. Ses jambes refusaient, et il ne pouvait pas détacher son regard de la silhouette, qui ondulait étrangement entre les arbres. Il plaqua ses mains sur sa bouche pour s’empêcher de crier, et il s’aperçut qu’il pleurait. un gémissement involontaire d’échappa de sa gorge, et attira l’attention de la créature, qui pivota soudainement vers lui. Entre ses longs cheveux noirs et emmêlés, il n’y avait rien. Là où aurait dû se trouver les yeux, on ne voyait qu’une peau blanche et tendue sur des orbites vides, et il n’y avait pas de bouches, ni de narine sur cette absence de visage. Pourtant, de la buée s’éleva devant la créature, alors qu’un râle terrifiant s’en échappait. Et Seong-Jin s’enfuit.

Il courut aussi vite que lui permettaient ses petites jambes, si vite qu’il avait l’impression de voler. Derrière lui, il croyait entendre la créature qui le suivait, et courait plus vite encore. Un pan de son manteau se prit dans un buisson épineux, et il l’abandonna sans réfléchir, sans même ralentir. Il courut ainsi sans savoir combien de temps, jusqu’à enfin apercevoir la lueur des lanternes de la route. Il déboula à la lisière de la forêt, les bras et le visage griffé par les branches et les ronces qu’il n’avait pas chercher à éviter lors de sa fuite. Un peu plus loin sur la route, Lee Byung-Ho et ses sbires hurlaient de rire, et il leur passa devant sans s’arrêter. Il courut jusqu’à arriver à la maison bleu ciel, franchit le seuil d’un bond et s’arrêta dans le salon, hors d’haleine. Un cri indigné s’éleva de sa grand-mère, qui le menaçait d’une cuillère en bois.
« AH ! Qu’est-ce que tu fais ! Tes chaussures, regardes ça, de la terre partout dans le salon ! Qu’est-ce que tu es allé fabriquer pour te mettre dans cet état ? Dégoûtant ! »
Seong-Jin cherchait son souffle, incapable d’articuler. Il lui fallu plusieurs hoquets afin de pouvoir sortir trois mots. Il se mit à crier.
« Le dalgyal gwisin de la montagne ! Je l’ai vu ! Il était lisse comme un oeuf ! »
Sa grand-mère devint blanche comme un linge. En quelques pas, elle fut sur lui et lui assena une gifle magistrale. Seong-Jin laissa échapper un hoquet de surprise et porta sa main à sa joue brûlante. Il voulut s’éloigner, mais sa grand-mère l’attrapa par les épaules d’une poigne de fer et commença à le secouer.
« Qu’est-ce que tu racontes ! Comment oses-tu ? Tais-toi, tais-toi tout de suite ! Ça t’amuse d’essayer d’amener le malheur dans cette maison ? »
« Mais c’est vrai ! »
« Un mot de plus et je te couds la bouche. Je le ferai, je suis sérieuse ! Va te laver immédiatement, avant de mettre ta saleté partout ! Qu’est-ce qui m’a fichu un gamin pareil ! »
Elle lui donna un coup sur l’épaule avec sa cuillère en bois, il se dirigea vers la salle de bain, la tête basse, honteux et confus.
Cette nuit là, il ne put dormir. Dès qu’il fermait les yeux, la face blanche du fantôme venait se glisser sous ses paupières. Il allait mourir, voir un dalgyal gwisin annonçait la mort. Il ne pouvait s’empêcher de sangloter, le visage caché sous ses couvertures.
Le lendemain, on retrouvait le corps de sa mère, brisé au pied des falaises de l’ouest de l’île.


Janvier 1994

Même avec la porte de sa chambre fermée, Seong-Jin pouvait entendre les cris de la dispute qui avait éclaté dans le salon, entre Ji-Hun et son grand-père. Il pouvait également entendre les sanglots de sa grand-mère, qui demandait ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter cela. Seong-Jin tira la couverture sur sa tête pour ne plus entendre. Il était reconnaissant à son frère d’être revenu pour lui. Depuis qu’il était là, la vie était moins sombre.
Quand il était revenu à la mort de leur mère, Seong-Jin avait cru qu’il resterait pour de bon. Mais après seulement deux semaines, il était reparti pour TánDì BáiShé Zhuán, en laissant seul son petit frère. Pas vraiment seul, puisque leurs grand-parents maternels l’avaient accueilli. Ils lui avaient donné un toit, ils lui donnaient à manger, et il leur était reconnaissant d’avoir fait cela, malgré ce qu’il avait fait. Car c’était sa faute si sa mère était morte. S’il n’avait pas suivi Lee Byung-Ho dans la forêt, il n’aurait pas vu le dalgyal gwisin, et sa mère ne serait pas morte. La mère de Park Chae-Won avait dit que ça n’était pas sa faute, que sa mère était malheureuse parce qu’il lui était arrivé beaucoup de choses ces derniers temps, des choses qu’on ne pouvait pas raconter aux enfants, mais ses grands parents n’étaient pas d’accord.
«  Tu as apporté le malheur sur cette maison, c’est toi ! » avait hurlé sa grand-mère, s’effondrant sur le sol pendant la cérémonie de deuil. Pourtant, malgré cela, elle avait accepté de l’accueillir. Il était reconnaissant.
Une porte s’ouvrit, et les voix de la dispute se firent plus claires.
« … des bons à rien, comme ton père. Tous les deux ! Elle n’aurait jamais dû épouser un étranger, voilà ce que ça donne ! Elle en est morte ! »
« Tais-toi, espèce de vieux cinglé ! »
Seong-Jin posa les mains sur ses oreilles. Ils avaient raison, c’était sa faute. il avait été stupide de vouloir montrer à Lee Byung-Ho qu’il était fort, parce qu’il ne l’était pas. Il était faible, il n’arrêtait pas de pleurer, comme un petit bébé. Cela faisait plus d’un an que sa mère était morte, mais il continuait de pleurer lorsqu’il pensait à elle, alors que Ji-Hun n’avait même pas pleuré pendant la cérémonie du deuil, parce que Ji-Hun était fort. Lui, il était faible. Encore aujourd’hui, il avait laissé tomber le plateau de thé de sa grand-mère, qui pesait trop lourd. Elle lui avait frappé derrière la tête, et l’avait tiré par le bras jusque dans sa chambre, où elle l’avait jeté. Il n’en était pas sorti depuis, pas même pour aller aux toilettes. Il n’en avait pas le droit. Il valait mieux attendre la nuit, quand les grand-parents seraient en train de dormir à poings fermé.

La lune était toute fine cette nuit, et haute dans le ciel lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit. Une main se posa sur son épaule et le secoua légèrement. Seong-Jin se retourna, les yeux collés par le sommeil, et se redressa brusquement, levant un bras au dessus de sa tête pour se protéger. Mais il ne s’agissait que de Ji-Hun, qui posait un doigt sur ses lèvres.
« Chut, ne fais pas de bruit, lève-toi. »
Seong-Jin se frotta les yeux et posa ses pieds sur le sol froid. Abruti, il enfila avec difficulté les vêtements que lui tendaient Ji-Hun, sans comprendre. Sans un bruit, les deux frère se faufilèrent dans le couloir, marchant sur la pointe des pieds. Derrière la porte de la chambre du grand-père, on entendait ronfler. La porte d’entrée grinça légèrement lorsque Ji-Hun l’ouvrit, et ils se figèrent. Seong-Jin avait enfin compris ce qu’il se passait, et il resta le plus immobile possible, réprimant même sa respiration pour être le plus silencieux possible. Sur un signe de Ji-Hun, il se remit en marche pour sortir de la maison. Une fois dehors et à distance de la maison, ils se mirent à courir. Seong-Jin n’osait pas poser de question, de peur que tout cela ne soit qu’un rêve et que la bulle n’explose s’il parle. Il traversèrent les rues encore désertes, et descendirent vers le port, silhouettes invisibles dans le noir. Au loin sur l’océan, on voyait le ciel s’éclaircir légèrement, et sur la jetée, il n’y avait qu’un homme déjà levé. Ils s’approchèrent en hâte. C’était le capitaine Chang.
« Je t’en dois une, Chang. Je promets que je rembourserai ma dette un jour. »
« J’espère bien ! Je t’avoue que ça ne me plaît pas trop, mais je n’aime pas non plus voir qu’on maltraite le petit. C’est pas sa faute. »
Seong-Jin se serra contre Ji-Hun. On était en février, la nuit était glacée, et il n’avait rien mangé depuis le déjeuner de la veille. Ses doigts étaient gelés dans ses manches. Le capitaine Chang lui fit un geste, et il les suivirent jusqu’à la Geunyeom qui attendait sagement. A bord, les cinq pêcheurs firent comme s’ils ne les voyaient pas grimper péniblement la passerelle et s’asseoir entre les caisses de poissons vides. Quelques heures plus tard, ils atteignaient le continent.


Septembre 1994

La première chose qu’il remarqua en descendant du train, c’est que tous les autres élèves s’étaient changés et qu’ils portaient tous les robes de sorcier de l’uniforme. Tous, sauf lui. Il ne savais pas, il n’avait pas compris qu’il devait se changer dans le train. Sa gorge se serra, et imagina voir le sol s’ouvrir sous ses pieds pour l’engloutir. Avec des gestes malhabiles, il tira de son sac la robe de sorcier de Poudlard et la passa par dessus sa tête, s’emmêla dedans et finit par en émerger, les cheveux en bataille, l’air ahuri. Autour de lui, des centaines d’élèves de tout âge se pressaient tous dans la même direction. Emporté par le mouvement, il les suivi, complètement étourdi par ce tourbillon de robes, de hiboux, de valises trois fois plus grosses que lui. Soudain, on lui attrapa le bras. Une jeune fille aux cheveux bruns et bouclés se penchait vers lui.
« Toi, tu es en première année non ? Tu dois aller par là. »
Elle tendit le bras et désigna le lac, mais Seong-Jin la fixait d’un air terrifié. Il n’avait rien compris à ce qu’elle venait de dire. Les pauvres rudiments d’anglais qu’il avait tenté d’apprendre avant d’arriver à Poudlard s’étaient évaporé, laissant son esprit vide. Ça n’était pas faute d’avoir essayé.

Lorsqu’ils avaient débarqué sur le sol anglais, Seong-Jin avait suivi Ji-Hun sans se poser de question. Il avait une confiance aveugle en son frère. Pourtant, plus ils avançaient, et moins il comprenait ce qu’il lui arrivait. Le soir même, ils s’étaient retrouvé chez un homme que Seong-Jin ne connaissait pas, mais qui avait accueilli Ji-Hun comme un vieil ami. Il leur avait proposé une chambre et un repas que Seong-Jin n’avait pas touché. Épuisé, il passait son temps à piquer du nez dans son assiette et il avait fini par partir se coucher dans un vrai lit, où il avait dormi comme jamais il n’avait dormi avant. Les jours qui avaient suivi avaient été tout aussi chargés. Il avait suivi Ji-Hun dans des endroits tous plus incroyables les uns que les autres, d’abord dans un hall immense, avec une fontaine dorée, et Ji-Hun avait expliqué qu’il s’agissait du Ministère de la Magie anglais. Seong-Jin était resté bouche bée. Il ne savait même pas qu’il y avait des Ministères de la Magie en Europe. Ils avaient passé la journée au Ministère, et Ji-Hun avait passé des heures à remplir différents papiers, pendant que Seong-Jin observait les sorciers qui défilaient. Ils s’habillaient bizarrement, aucun ne portait de ceinture à poudres, et il avait vu une sorcière agiter un morceau de bois pour faire revenir dans ses bras une pile de dossiers qu’elle venait de lâcher. Le lendemain, ils étaient allés dans un autre bâtiment gigantesque, ou de petites créatures remplissaient de chiffres des livres entiers. En voyant les billets passer de la main de Ji-Hun dans celle de la créature, tandis qu’il récupérait une lourde bourse qui tintait, Seong-Jin avait compris qu’il s’agissait d’une banque, et lorsqu’il avait demandé à Ji-Hun d’où venait tout cet argent, ce dernier avait répondu avec un sourire qu’ils en avaient plus besoin que leurs grand-parents. Pendant des jours, ils firent des aller et retours entre le Ministère, la banque, et même l’hôpital sorcier, où une vieille sorcière aux cheveux violets avait fait passer à Seong-Jin une quantité d’examens impressionnante, avant de lui offrir une friandise à la citrouille.

Puis, Ji-Hun avait commencé à disparaître pendant la journée, le laissant en compagnie de la femme de son ami. Pendant plusieurs mois, elle s’était appliquée à lui apprendre à parler l’anglais, à lire et à écrire correctement. Au printemps, il savait se présenter correctement, et un bon nombre de formules de politesse. Pourtant, il s’était rapidement rendu compte que dans le monde réel, cela ne lui servirait pas à grand chose. Incapable de s’y retrouver dans le monde sorcier anglais, il passait le plus clair de son temps enfermé à tenter de lire des livres anglais auxquels il ne comprenait pas le moindre mot. Puis, lui et Ji-Hun avaient déménagé pour habiter dans un tout petit appartement, près du Chemin de Traverse. Ji-Hun lui avait annoncé qu’il ne pouvait plus le laisser tout seul pendant qu’il allait travailler, et que pour cela, il l’avait inscrit à Poudlard. Il fallait qu’il ait une éducation. Ce serait comme TánDì BáiShé Zhuán, mais en Angleterre. Oui, il était obligé d’y aller, il avait payé cher malgré les aides du Ministère. Oui, il pourrait revenir pendant les vacances. Lorsque la lettre était arrivée, il la lui avait traduite et l’avait accompagné sur le Chemin de Traverse. Le moment le plus bizarre était peut-être celui où il avait reçu sa baguette magique. Chez Ollivander, il s’était dit qu’il ne pourrait pas avoir de baguette comme les sorciers anglais, puisqu’il n’était pas anglais. D’ailleurs, au bout de plusieurs heures d’essais, aucune baguette ne l’avait accepté. Mais le vieil homme ne s’était pas découragé. Il avait mesuré Seong-Jin sous toutes les coutures, lui avait posé des questions étranges que Ji-Hun traduisait, lui avait fait marquer l’empreinte de sa main sur un support en bois, avait finit par lui prélever un cheveu avant de les congédier. Quelques semaines plus tard, il avait reçu par hibou un lourd paquet qui contenait une longue baguette, et il avait passé des heures à l’admirer et à l’agiter, espérant produire quelque chose, avant que Ji-Hun ne l’arrête. Il lui avait expliqué que la baguette avait été faite sur mesure juste pour lui, qu’Ollivander avait dû faire appel à un confrère spécialisé dans les matériaux exotiques, qu'ils avaient fait faire venir de Chine une corne de serpent cornu, et que la baguette leur avait coûté presque l’intégralité de ce qu’il restait de leurs économies. Honteux, Seong-Jin avait promis d’en prendre soin comme de la prunelle de ses yeux. Mais malgré cette nouvelle baguette, malgré ses petites connaissances du monde anglais, il n’avait pas eu plus envie d’aller à Poudlard.

Il était pourtant là, au pied du train. La jeune fille lui jeta un regard étonné puis lassé, et finit par le pousser en direction d’une file d’élèves qui devaient avoir son âge et qui filaient en direction du lac. Docile, il les suivit. Le voyage jusqu’au château lui paru bizarre, et il ne pouvait pas détacher ses yeux du géant qui les guidait. Autour de lui, les autres élèves chuchotaient avec excitation, et même s’il en repérait certains qui avaient l’air aussi perdu que lui, la plupart trépignaient d’impatience.
L’arrivée au château se fit pourtant sans encombre. Il écouta sans le comprendre le discours de la sorcière âgée et très droite qui les emmena jusqu’à la salle principale, où il suivit les autres, intimidé par tout ce qu’il voyait. Les uns après les autres, les élèves quittaient le groupe pour aller s’installer sous ce vieux chapeau qui criait, puis se dirigeaient vers les tables, et au fur et à mesure que le groupe diminuait, son angoisse augmentait. Il n’avait absolument aucune idée de ce que l’on attendait de lui. Bientôt, il n’y eut plus que lui qui se tenait debout, et il avait le regard des autres sur sa nuque le brûlaient. Une nouvelle fois, il voulu disparaître, mais au même instant, la sorcière appela son nom, en écorchant son prénom. Il s’avança d’un pas hésitant, et imitant les autres, s’assit sur la chaise et accueillit le chapeau sur sa tête.
Il faisait chaud là-dessous. Il sursauta lorsqu’il entendit le chapeau lui parler, et il était certain qu’il lui posait des questions. Finalement, le chapeau cria, et la salle réapparut. Il ne bougea pas. Il n’avait pas compris  ce qu’avait dit le chapeau, mais la sorcière fronça les sourcils et lui désigna d’un geste l’une des tables, celle où les élèves applaudissaient le plus fort. En trébuchant dans sa robe, il se dirigea vers sa nouvelle maison, toujours aussi perdu, et une fois assis, sa confusion ne fit qu’augmenter. Silencieux et l’estomac noué, il fixait son assiette en tentant de ne pas penser à Ji-Hun, qui l’avait envoyé ici seul.
« Tu t’appelles comment ? »
Il releva la tête, car ça, il avait compris. Il fixa le garçon qui venait de lui parler et inclina la tête pour répondre comme on le lui avait appris.
« Seong-Jin Yoon. »
L’autre leva le pouce et lui répondit la bouche pleine.
« Ok, moi c’est Eliott. »
Seong-Jin resta silencieux, ne sachant pas quoi répondre. Eliott commença débiter phrases et mot à un rythme impressionnant qu’il n’arrivait pas à suivre, mais étonnamment, ce premier contact, aussi désastreux qu’il soit, le réconforta. Au moins il n’était pas complètement invisible. Et lorsque le repas se finit et que tout le monde se levait, Eliott l’attrapa par le bras d’un air sûr pour l’emmener, et comme il avait suivi Ji-Hun pendant ces derniers mois, il suivit ce nouveau guide inattendu, un peu plus rassuré.
Jin Young

Jin Young

• Âge : trente-huit ans
• Activité : oubliator
• Sang : mêlé
• Statut civil : célibataire
• Mornilles : 36
• Hiboux : 9
L'Œil de Lynx


Inventaire
• Objets
:
• Consommables :
• Traits
:

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L'Œil de LynxMessageSujet: Re: Sunshine like honeycombs ✴ Jin [ Sunshine like honeycombs ✴ Jin EmptySam 6 Nov - 16:20 ]

Histoire
2/3
tw : harcèlement - suicide - dépression - rejet - mort



Juillet 1997

Jin regardait son frère entasser ses vêtements dans une valise à la hâte, les bras ballants. Il avait du mal à digérer la nouvelle.
« Comment ça on retourne en Corée ? Mais ton travail ? Et mes études ? Je n’ai fait que trois ans. »
« Peu importe, on aura le temps de trouver une solution plus tard. Dépêche toi de faire tes affaires ! »
Mais Jin, restait sans bouger à l’entrée de la pièce. Il n’avait pas envie de quitter l’Angleterre, pas comme ça. Pas après avoir finalement l’impression d’être installé.
« Tu pourrais au moins me dire pourquoi ? Et on va où, sur Deokku ? »
Ji-Hun poussa un long soupir, avant de s’asseoir sur son lit. Il frotta son visage fatigué de ses mains.
« Fais moi confiance, s’il te plaît. Tu sais que je ne ferais pas ça sans une bonne raison. Je ne peux rien te dire avant qu’on soit partis. »
Il soupira à nouveau et recommença à plier ses vêtements.
« Quand à où aller… Moi j’irai sur Deokku, et toi tu iras à TánDì BáiShé Zhuán. C’est le plus simple… »
… et le moins dangereux, ajouta-t’il entre ses dents. Jin se figea, abasourdi. TánDì BáiShé Zhuán… Il avait rêvé d’y aller enfant, mais aujourd’hui, cela lui paraissait complètement surréaliste. Tout cela lui semblait si lointain désormais. Et repartir maintenant, cela signifiait se déraciner à nouveau, tout reprendre à zéro, une fois encore. Certes, il s’y habituerait, comme il s’était habitué à cette nouvelle vie anglaise, mais la perspective de tout quitter du jour au lendemain ne l’enchantait guère. Et comment ferait-il pour la magie ? Il n’utilisaient pas de baguette à TánDì BáiShé Zhuán, et malgré son apprentissage sur l’île et son frère qui le forçait à entretenir ses connaissances, il ne se sentait plus trop d’affinité avec la magie des poudres. Retourner là-bas après trois ans à l’autre bout du monde pour se retrouver entouré par l’inconnu… Il n’avait pas très envie de refaire l’expérience.

Malgré ses débuts difficiles à Poudlard, il avait réussi à rentrer dans le moule assez facilement. Les premières semaines avaient été un enfer. Totalement étranger aux us et coutumes anglaises, il multipliait les maladresses, brillait par son ignorance des choses les plus simples et passait le plus clair de son temps dans un état d’abrutissement confus. Il ne comprenait rien à cette école où on divisait les élèves pour les ranger dans des maisons qui passaient leur vie en compétition, et qui organisait un tournoi pour envoyer des jeunes sorciers se battre contre des dragons. La barrière de la langue ne fut vite plus un problème en cours, les professeurs ayant proposé la solution de le soumettre à un sortilège qui lui permettait de comprendre les leçons, mais il restait démuni dès qu’il posait un pied hors des salles de classe. Heureusement, la compagnie d’Eliott lui était d’un grand secours. Animé par le profond désir de prendre sous son aile le moindre oisillon blessé, le jeune garçon anglais semblait s’être donné pour mission de guider Seong-Jin au cours de l’année. Pendant des heures, il lui expliquait tous les différents aspects de la culture, de la langue et de la magie anglaise. Et pendant des heures, Seong-Jin l’écoutait, le front plissé par la concentration, mémorisant les expressions, les légendes, les personnalités de ce pays qu’il connaissait à peine. Il avait une excellente mémoire, et tous ces petits détails venaient se ranger, chacun à leur place, dans un coin de son esprit. Petit à petit, il s’était mis à comprendre. Au début, il ne s’agissait que de bref moments d’allégresse lorsqu’il saisissait le sens d’une phrase lancée au détour d’une conversation dans la salle commune. Puis il s’était rendu compte qu’il comprenait la conversation dans son entièreté. Les sortilèges des professeurs étaient peu à peu devenus inutiles, et un jour, il s’était aperçu que les notes qu’il avait prises en histoire de la magie étaient en anglais, et non plus en coréen. Cela avait inquiété Ji-Hun. N’oublie pas d’où tu viens, parce que eux ne l’oublieront pas. Ce n’est pas quelque chose dont tu dois avoir honte. Seong-Jin n’avait pas vraiment compris sur le coup, mais l’avertissement avait pris tout son sens vers le milieu de la première année, lorsqu’un serpentard plus âgé l’avait traité de mangeur de croups. Furieux, il avait tenté de lancer un sortilège au serpentard, sans y parvenir. La brute avait ricané, en se moquant de sa magie, avant de lui asséner un coup de poing en plein visage. S’en était suivi une bagarre confuse entre les deux camps serdaigle et serpentard présents, dont Seong-Jin avait fini par réussir à s’enfuir. Humilié, il s’était réfugié dans une salle de classe vide, où il avait laissé Eliott soigner son nez cassé et lui faire la morale sur les combats à la moldue, qui risquaient de faire perdre des points à Serdaigle. Il répondait à peine, à la fois trop obnubilé par les plans de vengeance qu’il montait dans son esprit, et par les sortilèges de soin de son ami. Il avait appris avec surprise qu’Eliott intervenait souvent pour guérir d’un coup de baguette un oeil au beurre noir ou pour faire disparaître un sortilège de chauve-furie tenace, et que certains élèves préféraient venir le voir plutôt que d’aller à l’infirmerie et prendre le risque d’écoper d’une retenue pour s’être battus. D’abord vexé de ne pas avoir été mis dans la confidence, il avait mis de côté ses griefs pour se concentrer sur les avantages que cela pouvait leur apporter. Car si Eliott ne faisait ça que par pur altruisme, Seong-Jin, lui, voyait plus loin.

Bon élève, il s’était particulièrement distingué par ses prouesses en sortilèges, mais avait en revanche montré une inhabilité particulière pour tous ce qui touchait aux duels. Manquant de réflexes, incapable de prendre une décision face à l’imprévu, il observait avec admiration les élèves des années supérieures qui s’entraînaient au club de duel, rêvant de posséder la même vivacité. Mais il s’était vite rendu à l’évidence. Tout ça n’était pas pour lui. Il était bien plus doué pour échafauder des plans, planifier ses actions, s’occuper des détails logistiques… Il avait pourtant remarqué que les duels ne s’arrêtaient pas forcément à la fin de l’heure allouée au club. De nombreux élèves revanchards n’hésitaient pas à briser les règles du club et à laisser cours à leur représailles dès que les surveillants avaient disparu au coin du couloir. Une occasion en or pour Eliott, qui pouvait alors s’entraîner sur ses sortilèges de soin, et pour Seong-Jin, qui enregistrait religieusement dans sa mémoire le nom des élèves à qui ils venaient en aide, juste au cas où. Ce juste au cas où s’était avéré particulièrement utile pour obtenir des services d’autres élèves, que ce soit pour avoir accès à des livres de la Réserve ou obtenir des friandises d’Honeydukes. Des choses simples, certes, mais Seong-Jin se fascinait par la toile d’araignée du réseau que formaient tous les élèves de l’école. Toujours prêt à rendre service, il n’hésitait pas à revenir quelques semaines, voire quelques mois plus tard vers ceux qu’il avait aidés pour faire jouer cette dette. Rapidement, leur réputation se fit. On connaissait Eliott comme celui qu’il fallait aller voir si on se blessait lors de situations à problèmes et qu’on ne voulait pas passer par la case infirmerie, et on connaissait Seong-Jin, qu’on appelait Jin désormais, comme ce gamin qu’on pouvait payer pour qu’il fasse nos devoirs à notre place, ou qui pouvait obtenir à peu près tout, sans qu’on sache vraiment comment. Ce qui était sûr, c’est que si on parlait à l’un ou à l’autre, on était garanti d’avoir son nom noté dans le carnet de Jin et on n’était jamais à l’abri de le voir apparaître au détour d’un couloir, un air innocent sur la figure et un sourire au bord des lèvres. Salut, j’aurais besoin d’un service. On l’aimait bien, en plus, il était difficile de refuser.

Et Jin avait navigué ainsi au cours de ces trois premières années, indifférent à ce qu’il se passait en dehors de l’école. Il voyait bien que l’atmosphère changeait depuis la fin du tournoi des trois sorciers, il avait compris que le monde sorcier était bousculé, même si il n’en voyait pas tous les tenants et aboutissants. Après tout, il n’avait pas grandi parmi eux, et le nom de Voldemort, bien qu’il l’ai déjà entendu avant, n’évoquait pour lui pas grand chose. Il comprenait qu’une menace planait, mais elle lui semblait trop peu concrète pour qu’il s’y intéresse véritablement. Il avait trop à faire avec ses cours et leur activité extrascolaire pour se préoccuper du reste. Il n’aurait jamais pu penser que cela puisse le toucher, jusqu’à ce que Ji-Hun annonce leur retour en Corée.



18 décembre 1997


Eliott,

Je prends enfin le temps d’écrire une véritable lettre, et non pas juste un billet griffonné rapidement entre deux cours. Je suis désolé de ne pas l’avoir fait plus tôt, j’ai été très occupé. J’aime bien recevoir tes lettres, cela me permet de me changer un peu les idées, surtout quand tu m’envoies de petites énigmes à résoudre. Dis moi si tu voudrais que je t’envoie des énigmes aussi, je n’en ajouterai pas à cette lettre, mais si cela t’intéresse, je le ferai à l’avenir.

On ne parle pas beaucoup de l’Angleterre ici, le reste du monde n’intéresse pas trop TánDì BáiShé Zhuán. J’ai entendu dire que cette année à Poudlard était vraiment très différente des années précédentes. J’imagine que c’est normal, puisque Dumbledore est mort, mais j’espère que ça ne perturbe pas trop tes études. Je m’inquiète un peu du fait que je ne sois plus là pour t’aider à rester concentré sur l’essentiel et t’empêcher de t’éparpiller, mais je suis sûr que tu t’en sors très bien sans moi.  En tous cas, j’aurais préféré rester, je pense.

Ça m’a fait vraiment bizarre de retourner sur mon île. Rien n’a changé, en dehors du fait que ma grand-mère est morte. Apparemment, elle a pourri la vie de tout le monde après qu’on soit partis, et je pense que tous les habitants ont été soulagés qu’elle les laisse enfin en paix. Mon grand-père s’est éteint depuis, on est allé le voir, mais je crois qu’il ne nous a même pas reconnus. De toute façon, depuis que Ji-Hun a dix-huit ans, c’est lui mon tuteur, plus mes grand-parents. On est rentrés chez nous, et notre maison est toujours la même. Les meubles n’ont pas bougé, et il y a toujours mes vieilles affaires dans ma chambre. J’ai fouillé, et je me suis senti bizarre, triste et heureux à la fois. J’aurais bien aimé t’envoyer une photo de l’île et de la maison, mais je n’ai pas le droit. Depuis qu’on est revenus, les autres habitants de l’île agissent assez bizarrement. Je crois qu’ils ne savent pas vraiment quelle attitude adopter envers nous, puisque nous avons beau être nés et avoir grandi ici, nous avons tout de même disparu sans prévenir pendant plusieurs années. Je pense qu’ils s’en veulent d’avoir rejeté notre famille par le passé, et qu’ils essaient de se racheter. Ji-Hun dit qu’ils se sentent coupable de nous avoir poussés à la fuite.  Même cet abruti de Lee Byung-Ho est venu s’excuser du sale tour qu’il m’avait joué dans la forêt. Bien entendu, on leur a tous pardonné avec Ji-Hun, puisque l’île, c’est la seule famille qu’il nous reste maintenant. De toute façon, je n’y suis pas resté longtemps. A peine arrivé, j’ai dû me préparer pour repartir, et dès septembre, j’ai rejoint l’école.

Tu te souviens comme j’étais perdu en arrivant à Poudlard ? Eh bien j’étais à peu près dans le même état lorsque je suis arrivé à TánDì BáiShé Zhuán. Déjà, je n’ai pas eu le droit de prendre ma baguette avec moi.  Ça m’a fait vraiment bizarre, je n’avais pas réalisé à quel point je m’y était attaché. Sans, je me suis senti complètement démuni. J’ai eu beau avoir passé l’été à me remettre à jour sur la magie des poudres, j’avais l’impression de ne rien savoir du tout et de plonger dans l’inconnu. Un peu avant la rentrée, j’ai dû passer des tests de niveau devant de vieux mages qui me regardaient bizarrement, je me suis senti super mal. Ils ont parlé avec Ji-Hun après ça, et j’ai dû être vraiment nul, car je me suis retrouvé en première année, entouré de gamins de dix ans. Tu te rends compte qu’avec une baguette, je serais aussi fort que des quatrième année, mais vu qu’ils ont décidé de m’en priver, je dois reprendre depuis le début. Chaque année passée à TánDì BáiShé Zhuán, on gagne un dragon brodé sur son uniforme. Tous les autres élèves de mon âge ont au moins trois dragons sur leur tunique, et moi je n’en ai aucun. La honte.

Ça aurait pu s’arrêter là, mais ça aurait été trop beau. Il s’avère que je suis nul en magie des poudres. Apparemment, j’aurais passé trop de temps à utiliser un autre type de magie et je me suis défamiliarisé avec l’atmosphère magique d’ici. On m’assure que ça va revenir, mais pour l’instant je me sens aussi inutile qu’un enfant avec un bâton, et pourtant cela fait quatre mois que je suis là. Mais je fais de mon mieux. Je pense que je suis dans les plus nuls de ma classe, mais au moins je fais des efforts. Les autres élèves ne sont pas très sympas. Je pensais que ceux de l’île seraient accueillants, mais ils font semblant de ne pas me connaître, même Lee Byung-Ho, ce gros hypocrite. Ils m’ont trouvé un surnom, je ne peux pas l’écrire là, mais grossièrement, ça veut dire quelque chose comme « l’âne anglais ». En soit, je m’en fiche, mais ce qui m’énerve c’est que j’ai entendu des professeurs l’utiliser aussi. D’ailleurs, les profs ici sont tous comme Rogue, pour te donner une idée. La moindre erreur t’envoie en retenue, on dirait qu’on a pas le droit d’être mauvais. Ji-Hun me laisse tranquille, mais tous les jours, il y a des dizaines d’élèves qui reçoivent des beuglantes de leur parents parce qu’ils ont eu une mauvaise note, et il y en a qui passent leur temps à faire des crises de nerfs. L’ambiance est particulière.

Sinon, ça te plairait parce qu’on a de vrais cours de médicomagie. Bon, du coup si on avait ça à Poudlard, on aurait plus eu de liste, tous les deux. La magie des poudres est compliquée, mais ceux qui se débrouillent bien peuvent faire des choses très impressionnantes, plus que la magie anglaise je pense. Je te montrerai quand je rentrerai, bientôt j’espère. Je viens de rentrer à la maison pour les vacances d’hiver, mais je ne peux toujours pas utiliser ma baguette, c’est interdit apparemment. Je me demande ce qu’il se passerait si j’essayais quand même. Je pense que Ji-Hun ne remarquerait même pas si je faisais de la magie en dehors de l’école. Il s’est trouvé une copine, et je crois qu’elle ne m’aime pas beaucoup. Elle habitait de l’autre côté de l’île, mais elle est chez nous maintenant et j’ai l’impression qu’elle essaye toujours de me mettre dehors.

Je m’arrête là parce que je dois aller recharger les lanternes et parce que j’ai peur que la lettre soit trop lourde pour le cerf-volant. On utilise pas les hiboux ici. J’espère avoir de tes nouvelles bientôt.

Jin

PS : Joyeux Noël ! J’ajoute un cadeau à la lettre, j’espère que ça ne sera pas trop lourd…



12 mai 1998

Eliott,

Je ne sais pas pourquoi je continue à écrire ces lettres. Depuis quelques mois, elles me reviennent toute au bout de quelques jours. Ji-Hun me dit de ne pas abandonner, mais ça se voit à sa tête qu’il pense que tu es mort et qu’il attend juste que je le réalise et l’accepte. Je pense que dans un sens, j’ai déjà réalisé et accepté, mais écrire ces lettres, ça aide un peu. C’est juste de plus en plus difficile de les voir revenir.

J’ai appris qu’il y avait eu une bataille à Poudlard il y a quelques jours, et que Tu-Sais-Qui avait enfin été défait. Apparemment, c’est la liesse partout en Angleterre, et j’aurai aimé y participer. Ici, les gens s’en fichent un peu, c’est un fait divers comme un autre. Ils se moquent même des anglais qui ont eu à galérer pendant vingt ans avec le même bonhomme, en semblant oublier qu’on a eu notre lot de mages noirs ici aussi.

Je passe mes examens de fin d’année dans un mois. Je pense y arriver, mais j’ai un peu perdu goût aux choses ces derniers temps. Je vais demander à Ji-Hun si on peut rentrer, maintenant que la guerre est finie.

A bientôt,

Jin




Juillet 1999

La pluie tombait violemment à l’extérieur, frappant les vitres avec fracas. Jin essuya de sa manche la sueur qui lui perlait sur le front. Il faisait beaucoup trop chaud en cette saison, mais Ji-Hun refusait de rafraîchir la maison, car Hwang Seo-Yun avait tout le temps froid ces derniers temps. La moindre brise lui arrachait un frisson exagéré, et tout le monde se dépêchait de fermer les fenêtres. On étouffait. Tout ça parce qu’elle était enceinte, et fiancée à Ji-Hun, on devait lui passer tous ses caprices. Jin n’arrivait plus à la supporter, et cela ne faisait même pas deux mois que les vacances avaient commencées. Il pensait échapper à l’enfer de TánDì BáiShé Zhuán, mais l’ambiance à la maison était devenue bien pire depuis que Hwang Seo-Yun était là.

Jin la détestait. C’était à cause d’elle qu’il était coincé ici. A cause d’elle que Ji-Hun avait refusé de retourner en Angleterre malgré la fin de la guerre. Quand Jin avait reçu la lettre d’Eliott après plusieurs mois de silence radio, il avait cru éclater de soulagement. Son ami était vivant, la guerre était gagnée. Il ne voyait pas ce qui les retenait en Corée. De plus, il n’avait aucune envie de retourner à l’école chinoise l’année suivante. Il préférait nettement remettre les pieds à Poudlard. Le refus de Ji-Hun l’avait frappé de plein fouet. Jin avait supplié, tenter de proposé des compromis, menacé de fuir, mais rien n’avait fait changer d’avis son grand frère. Il n’y a plus rien pour nous là-bas. C’est ici qu’on vit, qu’on a vécu, l’Angleterre c’était juste pendant un moment. Quand tu seras majeur, tu feras ce que tu veux, mais pour l’instant c’est moi qui décide, et j’ai décidé qu’on restait ici. Je ne vois même pas pourquoi tu veux y retourner.
Jin avait eu envie de lui hurler que la raison principale, c’était Hwang Seo-Yun. Elle faisait de sa vie un enfer. Son aversion pour lui était palpable, et Jin se demandait parfois comment Ji-Hun pouvait y être si aveugle. Ou peut-être qu’il le voyait, mais faisait le choix de l’ignorer, ce qui était bien pire, au fond. Jin avait été heureux pour lui, au début. Heureux de voir qu’il avait trouvé quelqu’un, car après tout ce qu’il avait fait pour lui, Ji-Hun méritait le bonheur. Puis, petit à petit, Hwang Seo-Yun avait planté ses griffes sur Ji-Hun, et, pièce par pièce, l’avait avalé tout entier, arraché à Jin. Maintenant, il le reconnaissait à peine. Il savait très bien qu’il était jaloux de leur relation, qu’il refusait de laisser s’éloigner la seule famille qu’il lui restait, mais malgré tous ses efforts pour se raisonner, il n’arrivait pas à faire face à ce sentiment d’abandon.

Depuis le salon, Jin entendit la voix de Hwang Seo-Yun qui l’appelait. Avec un frisson exaspéré, il fit celui qui n’avait rien entendu. La journée, Ji-Hun travaillait et il était seul pour prendre soin d’elle, et elle en profitait. Quelques secondes s’écoulèrent, avant que l’appel ne retentisse à nouveau. Il fit la sourde oreille, et bientôt il entendit des pas lourds dans le couloir. On frappa à sa porte, et avant qu’il ait le temps de répondre quoi que ce soit, Hwang Seo-Yun entra dans la pièce, un air furieux sur le visage.
« T’entends quand on t’appelle ? T’es bouché ou quoi ? »
Jin soupira.
« Qu’est-ce que tu veux ? »
« Viens, il y a une mouette qui est entrée dans le salon et j’arrive pas à la faire sortir. »
« Je n’ai pas le droit de faire de magie, toi si. »
« Je m’en fiche, cet oiseau me dégoûte. Fais le partir. »
Jin se leva avec un grognement pour suivre sa future belle-soeur. Dans le salon, il y avait bien une mouette, posée sur le dossier d’un fauteuil. Elle avait l’air on ne peut plus tranquille, comme si la pièce lui appartenait. Jin la fixa, et l’oiseau lui rendit un regard intelligent. Il se tourna vers Hwang Seo-Yun.
« Pourquoi tu ne la laisse pas là, elle ne fait rien de mal. Ouvre la fenêtre et elle repartira quand elle en aura envie. »
Hwang Seo-Yun lui jeta un regard plein de haine.
« Tu as toujours quelque chose à dire, pas vrai Yoon Seong-Jin ? Je n’aime juste pas les indésirables dans ma maison. »
A son ton, il compris que l’indésirable, c’était lui.
« C’est ma maison aussi. »
Elle haussa les épaules d’un air dégagé et rejeta ses longs cheveux en arrière.
« Tu parles ! Tu n’as qu’une envie, c’est de repartir là-bas. C’est tout ce que tu as à la bouche, ton école d’idiots et leur guerre stupide. T’aurais dû y être tiens, peut-être que j’aurais été débarrassée. »
Jin ne releva pas l’insulte. Il avait l’habitude. Mielleuse devant Ji-Hun, elle avait dit bien pire lorsqu’ils n’étaient que tous les deux. Il se précipita vers la mouette qui s’envola avec un croassement, et Hwang Seo-Yun poussa un cri. La mouette se percha un peu plus haut sur un placard et continua de les regarder.
« Tu sais, si tu veux vraiment partir, tu peux. Ji-Hun, il ne te garde que parce qu’il y est obligé, mais même lui sait que c’est mieux si tu t’en vas. »
Le coeur de Jin se serra. Et si elle disait vrai ? Il avait bien remarqué que Ji-Hun ne faisait plus du tout attention à lui. Non, impossible, sinon il le laisserait partir. Jin n’en était même plus sûr. Hwang Seo-Yun avait touché une corde sensible.
« Et si je te donnais de l’argent ? J’ai des économies, je te les donnes et tu t’en vas. »
Jin la fixait sans rien dire. Cette conversation, ils l’avaient presque tous les jours depuis des semaines. Et brusquement, il sentit qu’il avait perdu. Il était à bout, il n’avait même plus envie de résister. Il se résignait. Pourquoi se battre si vraiment, personne ne voulait de lui ici ?
« Hwang Seo-Yun, pourquoi est-ce que tu me détestes autant ? »
Hwang Seo-Yun sembla vaciller une seconde. Puis elle reprit sa contenance et agita sa main dans les airs.
« Arrête de dire n’importe quoi ! Je te propose de l’argent que je pourrais garder pour mon fils. Est-ce que c’est pas une preuve d’amour, ça ? »
Jin ne prit pas la peine de lui répondre. Il tourna le dos et retourna vers sa chambre. Derrière lui, Hwang Seo-Yun se remit à crier.
« Eh ! Et la mouette ? »
« Mets à manger dehors, elle sortira. »

Il claqua la porte derrière lui et se dirigea vers la fenêtre. Devant lui, l’océan s’étendait, et on voyait le continent au loin, une fine bande de terre posée sur la mer. Ça n’était pas si loin, après tout. Il entendit un bruit de verre cassé dans le salon, et quelques secondes plus tard, une mouette fila en trombe devant sa fenêtre, et fila vers l’horizon.


Novembre 2003

Jin apposa sa signature au bas de la lettre qu’il venait de rédiger. Il scella le parchemin d’un coup de baguette et l’ajouta à la pile de ceux qui attendaient déjà sur le bureau. Demain, ils partiraient tous en direction des différents services du Ministère de la Magie. Il espérait obtenir un poste au service des usages abusifs de la magie, mais n’importe où ailleurs, ce serait déjà bien. Quelques années plus tôt, il n’aurais même pas imaginer pouvoir prétendre à travailleur au Ministère. Il se voyait terminer sa scolarité à TánDì BáiShé Zhuán, travailler en Corée du Sud, vivre une vie totalement différente. Cela aurait probablement été le cas, s’il avait résisté à Hwang Seo-Yun. Mais elle l’avait écrasé. Chaque jour, il s’était senti un peu plus minable, un peu plus exclu. Au final, accepter sa proposition et partir avait été tellement plus simple. Il avait pris l’argent, il était parti. Il avait fait le même chemin qu’il avait fait lorsqu’il avait dix ans. Ji-Hun l’avait rattrapé alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour quitter la Corée. La discussion avait été houleuse, et sans savoir comment, Jin s’était senti encore plus mal qu’il ne l’était déjà. A gauche, son frère partait, lui tournant le dos, à droite le bateau attendait. Déchiré, il avait hurlé à travers ses larmes, supplié Ji-Hun de venir avec lui, de ne pas le laisser seul. Il pourraient être tous les deux, comme avant, ils n’avaient besoin de personne d’autre. Mais Ji-Hun ne s’était pas retourné, il avait à peine jeté un oeil par dessus son épaule pour voir si son frère le suivait. Et Jin était resté devant le bateau, sanglotant, attendant de voir son frère réapparaître, incapable de prendre une décision. Le bateau avait sifflé, Ji-Hun n’était pas réapparu, et Jin était finalement monté à bord.

Arrivé en Angleterre, il avait suivi les instructions d’Eliott d’un air absent, et s’était présenté chez Fortarôme, l’air plus mort que vif, le moral au plus bas. Pendant plusieurs jours, il était resté isolé, incapable de manger. Eliott avait accepté de l’accueillir pour qu’il finisse sa scolarité à Poudlard, mais à ce moment là, il était persuadé que ça n’était plus une si bonne idée. Contrairement à ce à quoi il s’attendait, son retour à Poudlard avait eu un goût bien amer. En retard, il avait repris en quatrième année, malgré ses seize ans en encore une fois, il s’était trouvé le plus vieux de son année. Pourtant, contrairement à TánDì BáiShé Zhuán, personne ne semblait s’en soucier. Et rapidement, il avait retrouvé ses habitudes d’avant-guerre. Lui et Eliott avaient repris leur activité, il avait repris sa liste, et pendant quatre ans, rien n’était venu perturber son quotidien.
Il avait écrit à Ji-Hun régulièrement, lui proposant de venir le rejoindre. Il était même prêt à accepter la présence de Hwang Seo-Yun, si cela lui faisait plaisir. Mais la plupart de ses lettres était restées sans réponse, et quand Ji-Hun répondait, c’était d’un ton froid et distant. Il avait annoncé que le bébé était né, que c’était une fille, sans lui proposer de venir la voir. Il donnait quelques nouvelles de l’île, de son travail, sans entrer dans les détails, et Jin avait fini par renoncer. Ses lettres s’était espacées petit à petit, et au bout de la cinquième année, il n’envoyait plus que de rares lettres pour les événements les plus importants.

Pendant les vacances, il allait chez Eliott, dont la famille l’avait accueilli à bras ouverts. Sans cela, il n’aurait jamais pu revenir en Angleterre. Il avait envisagé l’idée de retourner sur Deokku pour les vacances, mais le voyage, en plus d’être long et épuisant, coûtait cher et il préférait garder les quelques gallions qu’il avait en poche pour acheter son matériel scolaire. De plus, il n’avait aucune idée de la façon dont Ji-Hun réagirait, et il ne voulait pas troubler le cocon familial dont il était désormais exclu. Il avait préféré se concentrer sur son travail et avait obtenu ses BUSE avec succès. En sixième année, il s’était retrouvé seul. Ses anciens camarades avaient terminé leurs études et étaient entrés dans le monde du travail, tandis qu’il était resté à Poudlard, plus esseulé que jamais. Avec le départ d’Eliott, il avait renoncé à sa liste. Il n’avait plus de moyen de pression, ni le goût de s’en occuper de toute façon. Il s’était plongé dans les études comme il ne l’avait jamais fait, à tel point que certains professeurs s’en inquiétèrent. Il avait toujours été studieux, mais cela atteignait des niveaux alarmistes. Mais comme il le disait lui-même, que pouvait-il faire d’autre ? Il n’avait plus d’amis ou d’activités pour occuper son temps libre. Il n’avait jamais eu d’intérêt pour le Quidditch ou les autres sports, n’aimait pas les jeux de société, et les différents clubs étaient peuplés de jeunes élèves débutants. Tout ce qu’il lui restait, c’était le travail. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, ne se déplaçant qu’entre son dortoir, la bibliothèque et les salles de cours. Il boudait la salle commune et la grande salle, n’y faisant que des apparitions éclaires pour déjeuner, une fois par jour. Ses résultats crevaient le plafond. Même en astronomie, une matière qu’il avait gardé pour ses ASPIC malgré son désintérêt et dans laquelle il n’avait jamais été bon, il obtenait soudainement d’excellentes notes. Et lorsqu’il n’avait plus rien à faire, il s’entraînait à la magie des poudres, afin que ces deux ans à TánDì BáiShé Zhuán n’aient pas été vains.

Malgré de nombreux rendez-vous avec le directeur de Serdaigle et le professeur McGonagall, son état n’avait pas paru s’améliorer. Ce n’avait été que dans la deuxième moitié de sa dernière année qu’il avait semblé reprendre goût à la vie. Reprenant ses anciennes habitudes, il était redevenu le jeune homme avenant et serviable qu’on connaissait. Bien décidé à refaire sa réputation, il avait tiré de sa valise le carnet de nom qu’il avait notés, et envoyé des lettres aux quatre coins du pays pour renouer avec ses anciens contacts. Comme il l’avait prévu, il avait passé des ASPIC avec brio, obtenant les félicitations des examinateurs pour sa performance en sortilèges. Il était sorti de Poudlard le coeur léger, un sourire sur le visage. Il était retourné chez Eliott, avait profondément remercié tout le monde pour leur hospitalité, et était parti. Il avait fait le chemin en sens inverse, jusqu’à Deokkudo. Pour la quatrième fois de sa vie, il avait embarqué sur le bateau du capitaine Chang, qui ne semblait même plus surpris de le voir attendre au bout de la jetée. Il avait marché le long du port, était passé le long des commerces qui n’avaient pas changés, incliné la tête vers ceux qui le regardaient avec des yeux ronds. Il avait longé la plage, sur la promenade du bord de mer, s’était arrêté devant la maison bleu ciel, qui avait récemment été repeinte à neuf, et avait poussé la porte. Il était entré, avait enlevé ses chaussures, suspendu son manteau et dit très simplement : Je suis rentré. Depuis le salon, Ji-Hun et Hwang Seo-Yun l’avaient fixé sans rien dire, bouches bées. Il était allé droit vers sa chambre, qui n’avait pas changé en dehors du fait qu’on y avait stocké quelques anciennes affaires, avait verrouillé la porte, s’était allongé sur son lit et s’était endormi profondément.

Il était resté quatre mois à Deokkudo. Il avait ignoré royalement Ji-Hun, Hwang Seo-Yun et leur fille, ne leur octroyant que la politesse la plus élémentaire. Cela lui faisait mal au coeur, mais il ne comptait pas rester, de toute façon. Il avait passé son été à parcourir l’île dans ses moindres recoins, explorant la montagne, traversant encore et encore les rues, accompagnant le capitaine Chang pour la pêche. Le soir, il s’asseyait avec les marins devant la vitrine de Kim Ha-Neul, qui leur apportait à boire et qui n’arrêtait pas de lui dire qu’il était devenu le plus beau jeune homme de l’île, et qu’il devrait épouser Park Chae-Won, qui était devenue la plus belle jeune femme de l’île. Il faisait à nouveau partie de la vie de l’île. Et lorsque tous s’étaient habitués à sa présence, il était reparti en Angleterre. Il avait trouvé un petit appartement vers le Chemin de Traverse, s’était installé, et avait rédigé ses candidatures pour le Ministère.



23 juin 2005

Yoon Seong-Jin,

J’ai l’impression de n’avoir pas écrit ce nom là depuis des années, et lorsque je réfléchis, je me rends compte que cela n’est pas qu’une impression. Il y a des jours où je regrette de t’avoir laissé partir. Je revois encore ce gamin sanglotant sur le quai, qui me brisait le coeur. Sais-tu que le soir-même, je suis revenu ? Je pensais que tu m’attendrais au même endroit, que tu n’étais qu’un morveux en plein caprice. Quel idiot j’ai été. Sur le coup, j’étais furieux contre toi, je le suis resté pendant trop longtemps. Mais je pense qu’avec le recul, j’ai réalisé qu’en vérité, j’étais furieux contre moi-même. J’avais promis à notre mère que je te protégerais, et ce jour là, j’ai brisé cette promesse.
Quand tu es revenu, je ne savais pas comment réagir. J’avais l’impression d’avoir en face de moi un parfait étranger. Où était donc passé l’enfant timide et effrayé que j’avais un jour réveillé en plein milieu de la nuit pour l’emmener avec moi ? Je ne voyais là qu’un homme qui n’avait plus besoin de qui que ce soit, et surtout pas de moi. Je me suis soudainement senti vieux et inutile.

Hwang Seo-Yun est partie. Je sais que vous avez toujours eu du mal à vous entendre, mais je l’aimais beaucoup. Ces derniers temps, je l’aimais de moins en moins. Nous nous disputions souvent, cela effrayait notre fille. Elle a finit par partir, elle est retournée de l’autre côté de l’île avec ses parents et depuis que nous ne sommes plus ensemble, nous nous entendons parfaitement. Tout le monde est arrangé, et cela donne du grain à moudre aux commères, qui s’en donnent à coeur joie.

Je t’écris ces mots, mais derrière cette lettre, il y a un but bien précis, que je ne suis pas encore prêt à annoncer. Avant cela, je voudrais m’intéresser à toi. J’ai toujours cet ami au Ministère anglais, te souviens-tu de lui ? Il nous avait hébergé lorsque nous sommes arrivés, et c’est lui qui m’a conseillé de quitter le pays au plus vite, juste avant que le Ministère ne tombe. Il m’a récemment écrit, et j’ai eu la surprise et le plaisir de voir ton nom dans sa lettre. Il me dit que tu as rejoint le Département de la Justice Magique, au service des usages abusifs de la magie. Il paraît que l’on parle de toi comme d’un jeune homme brillant et prometteur, et que tu as terminé tes études d’une manière magistrale. Dis moi, s’il te plaît, si ton travail est gratifiant, et s’il te fait te sentir bien. C’est important.

Il m’a également dit qu’on t’appelle Jin, et non Seong-Jin. Je pense qu’il est de mon devoir de te rappeler à nouveau de ne jamais oublier tes racines. Je vais t’envoyer attachés à cette lettre des sacs de poudre. Je sais à quel point il est difficile d’en trouver en Angleterre, mais je voudrais que tu n’oublies pas ce que tu as appris. C’est une richesse que tu ne soupçonnes peut-être pas encore.

Voilà que je me reprends à jouer au grand frère, alors que je n’en ai plus le droit. Je te demande de bien vouloir me pardonner. Il m’est récemment arrivé quelque chose que je ne peux raconter qu’à toi. Je pense que peut-être, tu ne vas pas me croire, mais c’est pourtant vrai. il y a quelques jours, alors que j’étais à Séoul, j’ai vu un homme dont le visage m’a paru familier. Sans le reconnaître vraiment, j’ai senti tout mon corps se tendre, et mon coeur s’emballer, et avant même de le réaliser, j’ai su que c’était notre père.

« Notre père est mort il y a plus de quinze ans ! » vas-tu t’exclamer, mais je suis prêt à jurer sur tout ce qui existe que c’était bien lui. Il y a des choses qui sont tellement ancrées en nous qu’on ne peut pas les oublier, et le visage d’un père, même plus âgé, même plus affaibli, en fait partie. C’était lui.  Avant que je puisse faire un geste, il a disparu, et je n’ai pu le retrouver. Je ne comprends plus rien, et je pense que
toi non plus, tu ne comprends pas. Je ne sais pas quoi faire. Devrais-je le chercher, ou imaginer que je deviens fou ?

Je suis depuis dans un état étrange, dont je n’arrive pas à me sortir. Cette brève apparition a réveillé en moi une profonde nostalgie, et je me suis mis à rêver de mon frère.

Adieu,

Yoon Ji-Hun


24 décembre 2007

Seong-Jin s’assit avec précaution sur les rochers gelés qui faisaient face à la mer. A côté de lui, Ji-Hun tenta de faire de même, glissa avec un juron et se stabilisa finalement. En face d’eux, une petite fille courait sur la plage, chassant les mouettes à grands cris. Pendant quelques minutes, ils admirèrent la scène en silence, puis Seong-Jin prit la parole.
« Je vais y aller. »
Il n’y eu pas de réponse. Ji-Hun continuait à fixer les oiseaux, et Seong-Jin se frotta les mains pour les réchauffer. Cela faisait près d’un an et demi qu’il avait reçu la lettre de son frère et qu’il avait décidé du jour au lendemain de quitter son travail, de réunir ses maigres possessions et de revenir à Deokkudo. Comme à son habitude, l’île était restée telle qu’il l’avait laissée. Il avait repris sa chambre et sa place à la table de Kim Ha-Neul, qui avait fait comme s’il n’était jamais parti. Il avait vu Ji-Hun, qui avait eu l’air mal à l’aise, et Seong-Jin avait pleuré. Ils avaient bu du thé en silence sans le salon trop vide. Il avait fallu plusieurs jours pour qu’enfin, Seong-Jin accepte de parler. Il était venu pour la lettre, pour leur père.

« Je veux juste comprendre. »
« Il n’y a rien à comprendre. Je ne peux pas t’en empêcher, mais je te le déconseille. Il y a des choses qu’il ne faut mieux pas remuer. »
Seong-Jin s’agita, mal à l’aise. C’était pour ça qu’il était revenu, pour retrouver leur père. Ça n’intéressait peut-être pas Ji-Hun, mais lui, il avait besoin de savoir. Cette histoire, c’était comme une plaie ouverte qui refusait de cicatriser.
« Si je n’y vais pas, j’aurais fait tout ça pour rien. Je serais revenu pour rien, et j’aurais cherché pour rien. »
« Ah ? Tout ça, c’est rien pour toi ? »
Ji-Hun fit un geste qui enveloppa la plage, l’océan, la fillette, les mouettes. Seong-Jin poussa un soupir. Ce n’est pas ce qu’il avait voulu dire, mais comment faire comprendre à son frère ce qu’il ressentait ? Dès le début, Ji-Hun avait vu d’un mauvais oeil le besoin de Seong-Jin s’en savoir plus. Il avait refusé de prendre part à ses recherches, et avait tenté presque tous les jours de le faire abandonner. Mais Seong-Jin avait persévéré. Il avait écumé le pays, interrogé des centaines de personnes, épluché des milliers de colonnes de registres. Une traque qui avait duré plus d’un an, et dont les fausses pistes avaient été aussi nombreuses que les indices valables. Jusqu’à ce qu’il attrape ce petit fil de vérité et qu’il le remonte, centimètres après centimètres. Jusqu’à son père.

« Tu ne vas pas venir avec moi, alors ? »
« Non. »
Seong-Jin n’arrivait pas à comprendre le manque de curiosité de Ji-Hun. C’était leur père, et il l’avait trouvé ! Il avait fini par apercevoir la figure de l’homme, dans une épicerie moldue d’une ville moldue du sud du pays. Il l’avait reconnu, il ne l’aurait pas oublié. Il n’oubliait jamais un visage. Pendant plusieurs jours, il l’avait suivi, ne sachant pas comment s’y prendre. Et il avait pris son courage à deux mains, l’avait abordé.

« Il a dit qu’il voulait nous dire la vérité à tous les deux. »
« On la connaît la vérité. Au fond, je pense qu’on l’a toujours sue, depuis que les gens de l’île ont commencé à dire qu’il s’était enfui avec une maguo. C’est pas pour rien que notre mère avait si honte et qu’elle s’est jetée de la falaise. »
Seong-Jin ferma brièvement les yeux.
« Ne dis pas ça comme ça. »
« Désolé. »
Pendant quelques minutes, le silence s’installa à nouveau. Ji-Hun se tourna vers son frère.
« Yoon Seong-jin, tu ne te souviens pas de lui comme je m’en souviens. Tu étais trop petit, mais ça n’était pas une bonne personne. Il buvait tout le temps, il était paresseux. Les grand-parents le détestaient, et ils avaient raison. Tout ce qu’il faisait, c’était prendre l’argent de maman pour aller le dépenser dans les casino des maguo. Il n’arrêtait pas de me crier dessus, et toi je pense qu’il se fichait bien que tu existes ou pas. Peu importe qu’il se soit enfui avec une maguo ou n’importe quelle autre raison, il nous a abandonnés. C’est à cause de lui que tout le monde se moquait de toi et que les autres nous ont traités comme des pestiférés. C’est à cause de lui que notre mère est morte, et que tu as souffert. Si tu vas le voir, quand tu le regardera dans les yeux, penses-y. Moi je ne veux pas le voir. Pour moi il est mort, c’est ce qu’il y a de mieux.»
Seong-Jin resta silencieux face à la tirade de Ji-Hun. Il savait que son frère avait raison. Mais il avait déjà pris sa décision.
« Mais tu ne veux pas être sûr ? Tu n’as pas envie de comprendre ? »
« Absolument pas. Je trouve ça fou que toi, tu veuilles comprendre, mais tu as toujours été comme ça. Tu cherches la petite bête. »
Ji-Hun se leva et appela vers la plage. La fillette cessa de courir après les mouettes et se dirigea vers les deux frères, les joues rougies par la course et le froid. Ji-Hun lui tendit les bras et elle y bondit. Il la souleva et se tourna vers Seong-Jin.
« Dis lui que je suis mort. Je ne veux pas qu’il me voit, ou qu’il voit ma famille. Je vais prendre du maquereau chez Min pour dîner. »


28 décembre 2007

Seong-Jin avait l’impression que tous les regards le fixaient. De parfaits inconnus le dévisageaient alors qu’il avançait d’un pas rapide. Il se força à se calmer. Ça n’était que des maguo, et les maguo ne faisaient attention à rien. Dans sa poche, il serrait la main sur sa baguette, refusant de lâcher. Il remonta la rue rapidement, traversa la place du port et couru le long de la jetée. Au bout, le capitaine Chang lui faisait signe. Seong-Jin parcourut les derniers mètres en courant et se jeta presque à bord, s’effondrant sous le regard des marins hilares. L’air sentait le poisson et les algues et il avait envie de vomir.
« T’as vu un fantôme ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ? »
Seong-Jin ne répondit pas. Il lui fallait une excuse et il était incapable d’en trouver une. Le capitaine Chang fit un geste.
« C’est bon, laissez-le. On retourne sur l’île ! Yoon Seong-Jin, je vais finir par te faire payer le voyage extra si tu continues à arriver en retard comme ça. On a failli partir sans toi, idiot. »
Seong-Jin inclina la tête, incapable de trouver les mots.
« Je suis désolé. Merci. »
Le bateau quitta le port continental, et prit la route de l’île sur une mer lisse et calme derrière laquelle le soleil disparaissait.

Quelques heures plus tard, Seong-Jin poussait la porte de la maison bleu ciel. A peine était-il entré que Ji-Hun surgit devant lui, les yeux grands comme des soucoupes, dans un état de nervosité manifeste.
« Alors ? »
Seong-Jin resta immobile, fixant son frère. Il vacilla, et la figure de Ji-Hun changea. Il l’attrapa par le bras avant qu’il ne s’effondre.
« Yoon Seong-Jin, qu’est-ce qu’il te prend tout à coup ? »
Ji-Hun tenta de l’entraîner, mais Seong-Jin lui attrapa le bras de toutes ses forces. Il le fixa, comme fou.
« Grand frère… »
Il lui fallu quelques secondes pour se reprendre. Il lui semblait que toutes ses forces l’avaient soudainement quitté.
« Il est mort ! »

Une demi-heure plus tard, Seong-Jin s’asseyait à la table à manger, pendant que Ji-Hun versait dans des tasses une tisane brûlante. Seong-Jin entoura de ses mains la tasse qui lui faisait face, accueillant la chaleur bienvenue et tentant de maîtriser le tremblement qui l’animait. Ji-Hun s’assit en face de lui, l’air grave et Seong-Jin eu l’impression d’avoir à nouveau dix ans.
« Raconte-moi. »
Seong-Jin ouvrit la bouche, puis la referma. Par où commencer ? Comment expliquer avec justesse ce qu’il s’était passé ? Pourrait-il le faire sans mentir ? Y arriverait-il ? Il respira les vapeurs parfumées de l’infusion et sentit son appréhension diminuer légèrement. Ji-Hun était doué avec les herbes. Il aurait dû devenir médecin.
« J’y suis allé, comme prévu. Le vieil homme m’avait donné une adresse et je m’y suis rendu. C’était une énorme maison, dans une ville de maguo. Devant le portail, il y avait un maguo habillé tout en noir qui avait l’air de n’avoir jamais rigolé de sa vie. Je lui ai dit qui j’étais, et il m’a laissé entrer. »
Ça n’avait pas été facile de trouver l’adresse. Il avait dû se procurer une carte maguo, il avait eu du mal. L’adresse n’était pas indiquée dessus, et avec tous ces maguo autour de lui, il ne pouvait pas utiliser la magie pour s’en sortir.
« Je suis entré, et c’était immense. Je n’y connais pas grand-chose aux maguo, mais je peux te dire avec certitudes que ceux-là étaient riches. Il y avait des dorures partout, des bois précieux, de la soie. Je n’avais jamais vu ça. J’ai attendu dans une pièce où il y avait de grandes bibliothèques posées contre les murs, avec des livres dans plusieurs langues différentes. J’attendais et je me demandais ce que je fichais là, quand il est arrivé. Il était tout faible, tout maigre, et il sentait comme une personne malade. »
Les poings de Seong-Jin se serrèrent en repensant à la scène. Il déglutit, patienta un moment. Ji-Hun lui fit comprendre qu’il attendait.
« Tu avais raison. Tout le monde avait raison, sauf moi parce que j’étais un idiot. Il m’a dit qu’il avait rencontré une femme un jour, au casino des maguo. Tu savais qu’il trichait et qu’il utilisait la magie pour gagner ? Nous on a pas vu un sous, parce qu’en fait, il achetait de l’alcool et des femmes avec ce qu’il empochait. »
« C’était sûr. Cette ordure, j’ai honte qu’il soit notre père. »
Seong-Jin n’en pouvait plus d’avoir honte. Toute sa vie il avait eu honte. Honte que son père soit parti, honte que sa mère se soit suicidée, honte d’être étranger à Poudlard, honte d’être étranger à TánDì BáiShé Zhuán, honte d’y avoir cru. Il sentait la colère monter en lui ici, chez lui, tout comme il avait senti la colère monter lorsqu’il était en face de l’homme.
« Il s’est enfui avec la maguo, parce qu’apparemment, il était amoureux d’elle. Elle, elle était à peine plus vieille que toi. Il l’a faite entrer et il me l’a présentée, comme si c’était normal. Il a dit voici Yoon Seong-Jin, c’est mon fils et j’ai eu envie de lui cracher à la figure que je n’étais pas son fils. Mais je n’ai rien dit. »
Il revoyait le sourire faux de la femme, un sourire plein d’hypocrisie. Il aurait dû partir à ce moment là, mais il s’était senti cloué sur place.
« Quand je lui ai dit toute la souffrance qu’il avait causé, il n’avait même pas l’air désolé. Il a vite changé se sujet, comme si ça ne l’intéressait pas de savoir que sa femme s’était suicidée à cause de lui. Ça m’a énervé, et j’ai montré la pièce pleine de meubles précieux, et je lui ai demandé ce que ça faisait de vivre comme ça avec les maguo, pendant qu’on galérait. Et tu sais ce qu’il m’a dit ? »
Seong-Jin sentit sa vue se brouiller, et il s’essuya rapidement les yeux du coin de sa manche. il ne voulait pas pleurer devant Ji-Hun, pas à cause de ça.
« Il m’a dit que ça n’était pas si mal de vivre parmi les maguo. Que c’était facile d’utiliser la magie pour obtenir plein d’argent chez eux, et qu’il vivait mieux là en étant riche qu’avec nous en étant pauvre. Et la maguo rigolait quand il disait ça. Elle n’arrêtait pas de lui faire les yeux doux, et de le cajoler, comme un enfant, c’était dégoûtant. »
En la racontant, il revoyait la scène, et elle lui donnait des frissons.
« Puis la maguo a fait rentrer toute sa famille. Son père, sa mère, une soeur et un cousin. Ils disaient que notre père était un don fait par Dieu pour sauver leur famille. Que grâce à sa magie, ils avaient survécu. Que grâce à lui, ils avaient bâti un empire important dans leur monde. Qu’ils avaient des liens avec plein de gens importants, des politiciens, des promoteurs, des parrains de leur mafia de maguo. Quand ils ont dit ça, j’ai eu l’impression qu’ils me menaçaient. »
Pris au piège comme un lapin, s’était-il dit à ce moment là. Il avait regretté chacune des décisions qu’il avait pris, s’était maudit de ne pas avoir écouté Ji-Hun.
« J’ai dit que c’était mal d’utiliser la magie pour leur profit, et il y en a qui essayaient de ne pas rire. Ils n’en avaient rien à faire, et ça me rendait dingue. Je pense que c’est à ce moment là que j’ai compris que malgré tout ce qu’il avait fait, notre père me faisait pitié. Ces maguo n’en avaient rien à faire de lui, ils voulaient juste sa magie pour leurs affaires. Ils étaient mille fois plus malin que lui, ils avaient tout de suite compris comment faire pour l’utiliser sans jamais se faire prendre. »
Seong-Jin fit une pause pour laisser le temps à Ji-Hun de digérer tout ça. Il avait une moue dégoûtée, et en même temps avide d’en savoir plus.
« Le vieux m’a expliqué qu’il n’avait pas eu d’héritier avec sa maguo. Que nous, on était les seuls. Il savait que tu étais vivant, il a même parlé de ta fille. Je ne sais pas comment il a su. Il m’a dit que si je le voulais, tout ça ça pouvait être à moi. Qu’il m’apprendrait comment utiliser la magie pour gagner de l’argent au casino, ou comment manipuler les gens de la mafia pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Tu sais que c’est super illégal ça ? En Angleterre, ça s’appelle l’Imperium et c’est un aller simple pour la prison si tu l’utilises. Je crois qu’ici aussi.»
En face de lui, Ji-Hun avait blêmi. Ses doigts étaient serrés sur le rebord de la table, et il semblait sur le point de s’effondrer. Seong-Jin s’attendait au pire, mais il poursuivit néanmoins.
« Je lui ai dit qu’il était cinglé, que je ne voulais rien avoir à faire avec lui et ses maguo. Ça ne lui a pas plu du tout. Il est devenu complètement fou, il gesticulait dans tous les sens, et la femme essayait de le calmer pendant qu’il hurlait que j’étais un démon et qu’il allait venir sur l’île nous trouver. J’allais partir, et j’ai vu l’un des maguo tirer de sa poche leurs armes moldues, tu sais, en métal. Il en avait une, et le vieux m’a hurlé de rester là, que sinon ils allaient me tuer. Même les maguo le regardaient bizarrement maintenant. Le vieux criait que jamais il aurait dû me rencontrer, mais que ça femme avait insisté. »
Il n’avait pas voulu le montrer, mais le vieil homme gesticulant l’avait terrifié. Il avait l’air d’une momie, d’un homme qui aurait dû mourir il y a longtemps. Il n’était pas si vieux pourtant.
« Je ne sais pas pourquoi, ça m’a fait rire. Je lui ai dit qu’il faisait vraiment pitié, qu’il s’était fait avoir depuis le début. Qu’il n’avait rien construit du tout, qu’il était juste bon à être un pion sur l’échiquier des maguo. Qu’ils étaient morts de trouille parce que s’il mourrait, tous les maléfices qu’il a jeté sur les autres maguo allaient s’estomper, et qu’il leur fallait absolument un autre sorcier pour ne pas perdre tout ça. Et au fur et à mesure que je parlais, les maguo avaient l’air de plus en plus furieux. La femme lui a dit que je n’était qu’un menteur, un enfoiré, un ingrat qui le manipulait. Qu’il avait toujours un autre fils, et que ça serait mieux de me tuer avant que je répande mon venin et mes mensonges auprès des autres sorciers, qui viendraient les tuer tous pour avoir utilisé la magie. »
Seong-Jin se mit à trembler. Il ne voulait pas raconter la suite. Ji-Hun avait fermé les yeux, et semblait faire tout ce qui était en son possible pour ne pas exploser. L’estomac de Seong-Jin se tordit avec violence alors qu’il se remit à parler.
« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Le vieux a hoché la tête, et il a fait un geste que j’ai reconnu. J’ai vu la poudre voler et j’ai sorti ma baguette. Ji-Hun, il a essayé de me tuer j’en suis sûr. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. J’était déjà furieux, et là j’ai eu peur. J’ai voulu le pousser et je lui ai jeté un sort. Juste un stupéfix, pour l’immobiliser. Ça l’a touché, et il a reculé… Il avait les mains toutes serrées sur sa poitrine, et il titubait. »
Il tremblait en y repensant, en voyant la figure tordue du vieil homme, ses yeux exorbités, ses doigts cramponnés à sa chemise qu’il tentait de déchirer. L’homme avait fait un bruit qui lui avait rappelé le râle du fantôme sans visage des montagne, et Seong-Jin tenait à peine sur ses jambes.
« Il a fait des pas dans tous les sens, et il s’est cogné sur l’une des étagères. Il s’y est agrippé, comme pour s’y retenir. Je pense qu’il était déjà… mort… à ce moment là… Parce qu’il est tombé d’un coup, en emportant l’étagère. Elle s’est effondrée sur lui… On a entendu un craquement horrible, en plus du bruit des livres qui tombaient au sol. »
Puis un silence de mort. Il l’avait tué. Il n’avait jamais fait de mal à qui que ce soit, et il l’avait tué. Il sentait ses larmes lui brûler le visage, et un goût de bile lui envahir la gorge.
« Ji-Hun, je l’ai tué ! Je n’ai pas exprès je le jure ! Je ne pensais pas que le sort le tuerait, mais il avait l’air tellement malade… »
Ji-Hun s’était levé et avait contourné la table en moins d’une seconde. Il saisit Seong-Jin Par les épaules et le fixa droit dans les yeux.
« Tu t’es enfui ? »
Seong-Jin hocha la tête et renifla. Bien sûr qu’il s’était enfuit, qu’est-ce que Ji-Hun avait dans la tête.
« La femme a commencé à hurler, et j’ai paniqué. Je ne voulait blesser personne, alors je leur ai jeté un sort pour leur effacer la mémoire. J’étais en panique, je tremblais et il y avait le cadavre sous l’étagère. Je n’osait pas regarder. Le sort était beaucoup trop fort, parce que je ne contrôlait plus rien. La femme s’est mise à baver. Je me suis enfui. J’ai quitté la maison, et le maguo en noir à l’entrée m’a regardé partir. Je suis arrivé devant lui, et je lui ai jeté le même sort. Proprement cette fois. Il ne se souviendra pas de moi. »
Il avait raconté tout cela d’un ton très calme, presque trop calme. Il repensa à la femme qui riait et qui caressait le bras du vieux, puis à ses prunelles éteintes. Il éclata de rire, et Ji-Hun sursauta.
« Tu te rends compte ? Saleté de maguo. Ils ont eu ce qu’ils méritaient, non ? Ils voulaient me tuer ! »
« Arrête, tu es crevé et sous le choc. Tu en as parlé à quelqu’un d’autre ? »
Seong-Jin s’assombrit. La scène tourna à nouveau dans son esprit et il réprima un frisson.
« A personne. Le capitaine Chang a bien vu que ça n’allait pas, mais il a rien dit. Il faudra que je trouve un mensonge à lui raconter. »
Ses épaules se crispèrent tandis qu’il tentait de maîtriser ses tremblements. Il avait envie d’éclater de rire, ou en pleurs. D’éclater de quelques chose. Ji-Hun se leva, ouvrit un placard, ralluma le feu sous la bouilloire. Il prit une pincée de poudre à sa ceinture, l’ajouta à l’eau. Seong-Jin observa son manège d’un aire absent. Il n’arrivait plus à ressentir quoi que ce soit, alors que quelques secondes avant à peine, il se sentait prêt à exploser.
« Grand frère… Je l’ai tué. »
A nouveau, les larmes coulèrent sur ses joues.
« Qu’est-ce que je vais faire ? »
Ji-Hun versa l’eau chaude dans sa tasse avant de la pousser vers lui d’un geste autoritaire.
« Tu vas boire ça, et dormir. On en parlera demain. »


Jin Young

Jin Young

• Âge : trente-huit ans
• Activité : oubliator
• Sang : mêlé
• Statut civil : célibataire
• Mornilles : 36
• Hiboux : 9
L'Œil de Lynx


Inventaire
• Objets
:
• Consommables :
• Traits
:

Sunshine like honeycombs ✴ Jin Empty
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L'Œil de LynxMessageSujet: Re: Sunshine like honeycombs ✴ Jin [ Sunshine like honeycombs ✴ Jin EmptySam 6 Nov - 16:39 ]

Histoire
3/3
tw : harcèlement - suicide - dépression - rejet - mort



avril 2011

Au niveau trois du Ministère de la Magie, le directeur du Département des Accidents et Catastrophes Magiques observait l’homme qui était assis de l’autre côté de son bureau. Mince, l’air timide et effacé. Il vérifia d’un coup d’oeil la date de naissance qui était notée sur le dossier, et fronça les sourcils. D’après ce qu’il voyait, l’homme devait avoir presque trente ans, et pourtant, il donnait l’impression d’être tout juste sorti de Poudlard. Le directeur reposa le dossier et croisa les mains devant lui. Il faisait confiance au chef des oubliators pour la sélection des nouvelles recrues, mais celui qui prenait la décision finale, c’était lui. La tâche des oubliators était lourde de responsabilités, et ne laissait pas droit à la moindre petite erreur. Cette année, il n’y avait que ce type qui avait passé la sélection, cela irait vite. Mais il ne devait pas se tromper.
« Bien. Allons-y. Vous êtes… Jin Young ? »
Jin s’agita légèrement sur sa chaise. Pas Yoon, pas Seong-Jin. Cela faisait trois ans qu’il avait abandonné son ancien patronyme, et il avait encore du mal à s’y habituer.
« Oui. Euh… Monsieur. »
Le directeur leva un oeil vers Jin. C’était ça le petit génie que le chef des oubliators lui avait vendu ? Un gamin visiblement mal à l’aise, aux cheveux décoiffés et à l’air ahuri ? Non, pas un gamin, même s’il en avait tout l’air.
« Et vous êtes anglais ? »
« Euh… Oui. C’est écrit là, j’ai obtenu la nationalité en 2008. »
Quelle question, évidemment que Jin était anglais. Pas de naissance, peut-être, mais rien que pour avoir survécu au cauchemar administratif qu’avait été sa naturalisation, il estimait avoir amplement mérité son appartenance. Non pas que cela lui fasse plaisir. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait conservé nom et nationalité. Mais après l’épisode catastrophe qu’il avait vécu en Corée, il n’avait pas eu le sentiment d’avoir le choix. C’était Ji-Hun qui avait eu l’idée. Lui qui avait élaboré le plan, pendant que Jin restait assis à la table du séjour, le regard fixé sur le mur, repassant encore et encore la scène dans sa tête. Il l’avait remis sur pieds, et réexpédié en Angleterre. Il lui fallait fuir au plus vite, au cas où quelqu’un découvrirait la scène. Il fallait que Seong-Jin Yoon disparaisse. Et il avait disparu. En même temps qu’il avait acquis la nationalité anglaise, il avait changé de nom. Mr. Yoon, c’était voyant, tandis que des Mr. Young, il en connaissait déjà au moins trois. Se fondre dans la masse. Pendant plusieurs mois, il avait vécu dans l’angoisse et la peur. Mais personne ne s’intéressait à lui, que ce soit ici ou là-bas. Quand il avait finalement repris contact avec Ji-Hun, ce dernier lui avait dit qu’on était juste venu le prévenir de la mort de leur père, mais rien de plus. Et petit à petit, Jin avait recommencé à respirer.

Le directeur reprit le dossier et parcourut rapidement la première page, puis la seconde. Son visage s’éclaira soudainement.
« Ah, mais c’est vous qui étiez aux usages abusifs de la magie ! L’histoire avec les éventails chinois, je ne sais plus quoi. Le chef du service m’a parlé de vous, apparemment vous allez leur manquer. »
Jin sourit poliment. Il ne s’agissait pas d’éventails, mais de paravents, mais il se garda bien d’en faire la remarque. Le directeur sembla tout à coup bien moins méfiant.
« Je suis passé par les usages abusifs de la magie moi aussi, il y a bien longtemps. Bon, tous les trucs asiatiques, c’était pas vraiment ma tasse de thé, mais j’imagine que pour vous ça allait. Vous connaissez Ignace Borebum ? »
Sale type. Mais il allait devoir s’y habituer s’il voulait travailler pour lui.
« Bien sûr, j’ai été son assistant pendant deux ans. Il est parti à la retraite récemment. »
« Il y a un mot de lui ici qui vous recommande chaudement. J’ai travaillé avec Ignace et ça n’était pas le genre à se laisser cirer les pompes. Pour qu’il dise quelque chose de positif sur quelqu’un… Enfin, bref. »
En même temps, ce cher Boredum lui devait bien ça. C’était Jin qui était resté travailler deux nuits consécutives afin de couvrir une grave erreur qu’il avait faite dans un dossier de service à thé ensorcelé. Jin ne l’avait pas oublié, et il avait veillé à ce qu’Ignace ne l’oublie pas non plus. Ce n’était pas cher payé, pour une simple lettre de recommandation. Le Directeur hochait la tête.
« Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre les oubliators ? On a peu de candidats, ce n’est pas un métier qui intéresse beaucoup. »
« Je veux être utile. Protéger les autres, le monde magique. J'aurais pu tenter de rejoindre les rangs des Aurors, mais ce sont des brutes, qui ne veulent que le gloire. J’ai préféré trouver un autre moyen d’aider la société, et quoi de mieux que les rangs des oubliators ? Ils sont discrets, indispensables. On ne pense jamais à eux, mais leur travail est essentiel. »
C’était faux, tout cela, mais il avait travaillé cette réponse avec attention. Il s’était renseigné sur le directeur du Département, il avait appris de sa secrétaire, qu’il avait par hasard croisée au Chaudron Baveur, qu’il avait tenté de rejoindre les rangs des Aurors plusieurs fois, sans y parvenir, et qu’il nourrissait depuis un profond ressentiment pour la profession. Jin vit avec satisfaction le sourire en coin qui se dessinait sur le visage du Directeur. Il se demanda quelle tête il aurait pu avoir s’il avait dit la vérité. Qu’il n’arrivait pas à ce sortir de la tête l’image de la maguo alors que sa mémoire s’effaçait, et qu’avec le temps, il avait fini par la trouver presque drôle. Sur Deokku, on n’aimait pas les maguo. Ils étaient mal vus par la société coréenne de toute façon. Au mieux, on les ignorait, au pire on les méprisait. Et du mépris, Jin était passé à la haine. Il les détestait de tout son coeur, ils le dégoûtaient. Et en Angleterre, cela avait empiré. Les anglais voyaient les moldus comme de petits choses fragiles, diminuées, incapable de quoi que ce soit, puisque dépourvus de magie. Comme de petits chiots innocents. Ils semblaient totalement aveugles aux horreurs dont les moldus étaient capable. Chasser les sorciers pour les brûler à la lueur de la lune. S’entretuer par milliers pour un oui ou pour un nom. Manipuler un père de famille sorcier, abuser de sa magie comme si c’était la leur, détruire sa famille, et tout ça pour quoi ? Des tableaux, des meubles hors de prix. Tout ça, et pourtant au Ministère, on continuait de les voir comme de pauvres créatures qui avaient dû déployer des moyens pharaoniques pour remplacer la magie. On avait pitié, alors qu’on devrait trouver ça inquiétant, plutôt. On avait développé des services pour les protéger. Protéger les moldus des sorciers. Pour Jin, c’était plutôt l’inverse. Les moldus ne devaient rien savoir. C’était nécessaire.

Le Directeur eut l’air satisfait de sa réponse. Pendant plusieurs minutes, il tourna les pages du dossier, machinalement, peut-être à la recherche d’une petite bête qu’il ne trouvait pas. Il finit par le refermer encore, cette fois définitivement.
« Le chef des oubliators ne dit que du bien de vous. Votre formation s’est passée à merveille, et vous avez passé les tests pratiques haut la main. Il serait très heureux de vous voir rejoindre l’équipe définitivement. Vous aurez une période d’essai complémentaire de six mois. La moindre erreur y mettra fin et vous devrez en porter l’entière responsabilité, financière ou morale. Cela vous convient-il ? »
Jin cligna des yeux, surpris. Il ne s’était pas attendu à ce que cela soit si rapide. Il hocha la tête, souriant.
« Il n’y aura pas d’erreur. »
Le Directeur laissa échapper un souffle d’air par le nez, et saisit une élégante plume d’aigle qu’il trempa dans un petit encrier. D’un geste rond et vif, il apposa une signature violette en bas d’un parchemin qui attendait, posé sur le bureau, avant de tendre la plume à Jin. Après avoir signé à son tout, Jin se redressa et le Directeur lui tendit la main.
« Bienvenue chez les oubliators, Mr. Young. »


2015

La salle d’audience était petite, et complètement vide. Le genre de salle qu’on réserve aux affaires les plus mineures, pour les conflits entre voisins ou les tags sur les vitrines du Chemin de Traverse. Cela rassura Jin. Si l’affaire avait été grave, il aurait eu droit à tout le Magenmagot, à la grande salle, aux gradins et tout le carnaval. On n’avait pas considéré son cas comme assez important pour sortir le grand jeu, et tant mieux. Il avait réussi à minimiser les dégâts.
Mais à quel prix ?

Lorsqu’il avait commencé à travailler comme oubliator, sa plus grande inquiétude avait été de faire une erreur. Pendant toute sa formation, le chef des obliators avait été sur son dos, scrutant ses moindres faits et gestes, et il avait effectué son premier jour sous une pression monstre. Pourtant, à la seconde où il s’était installé à son nouveau bureau, le reste de l’équipe l’avait accueilli comme l’un des leurs. Il n’était plus le stagiaire en formation, il faisait désormais partie de la famille. Et en quelques jours, il avait acquis le sentiment d’avoir fait cela toute sa vie, et s’était autorisé à lâcher un peu du leste, à se détendre.
Il avait pensé qu’altérer la mémoire des moldus représenterait une tâche moralement trop contraignante, et pourtant, il ne lui fallu que peu de temps pour considérer cela comme la mission la plus routinière. Il recevait l’ordre de mission, examinait les faits, se préparait, et se rendait sur place pour lancer le sortilège. Étrangement, les moldus n’étaient jamais méfiants envers lui. Il l’accueillaient à bras ouverts, comme celui qui allait enfin bien vouloir leur expliquer ce que c’était que ce bordel. Il y avait peut-être une demi-seconde de réalisation lorsque Jin sortait sa baguette, où leurs yeux s’écarquillaient brièvement, avant de s’éteindre. C’était le meilleur moment. Puis Jin vérifiait rapidement que tout allait bien, et il quittait les lieux, laissant les moldus assis sur leur chaise, le regard fixé dans le vague. Ils ne se souviendraient de rien. Tous souvenirs du monde sorcier et de sa visite disparaîtraient pour toujours. Rien d’extraordinaire. Terriblement ennuyeux, même. Parfois, il poussait le vice jusqu’à retourner les voir. Il s’arrangeait pour les croiser au hasard dans la rue, ou dans les magasins moldus, pour voir s’ils le reconnaissaient. Mais ça n’était jamais le cas. Il était bien trop doué pour ça. Ironique qu’un gars comme lui, dont la mémoire anormale ne le laissait pas oublier quoi que ce soit, soit aussi habile pour faire oublier aux autres.

C’est ce qu’on lui disait en tous cas. Le chef lui avait répété plusieurs fois qu’il avait rarement vu d’aussi beaux sortilèges d’amnésie, aussi précis et aussi efficaces. Qu’il irait loin, s’il continuait ainsi. Cela n’avait pas étonné pas Jin. Après tout, les sortilèges avaient toujours été son point fort, il appréciait cette discipline qui pouvait atteindre des niveaux de complexité absolument remarquables. La métamorphose était trop brute, moins élégante. Quand au duel, il préférait ne pas y penser. Non, les sortilèges étaient faits pour lui, en particulier ceux qui concernaient l’esprit. Amnésie, Confusion, Euphorie, et le terrible Imperium qui le fascinait. Il avait eu besoin d’en savoir plus.
Quelques mois après avoir rejoint les oubliators, il s’était mis en quête d’un Maître en Sortilège, bien décidé à obtenir le titre lui aussi. Quête ardue, voire impossible. La plupart avaient déjà des élèves, avaient refusé d’enseigner, ou l’avaient trouvé trop jeune, sans même lui proposer de montrer ce dont il était capable. Seul un vieil homme, au nord de l’Irlande, avait accepté à condition qu’il s’oppose à un deux autres prétendants dans une série d’épreuves. Le vainqueur aurait eu le privilège de devenir son élève. Mais Jin avait jeté l’éponge après la mort de l’un des concurrents. Le vieil homme était fou, il trouverait bien quelqu’un d’autre. Mais il n’avait trouvé personne, et avait peu à peu abandonné l’idée.

Cette ambition rapidement brisée avait laissé son esprit las. Son métier lui paraissait trop monotone, sans rebondissement. Tout se passait toujours exactement de la même façon, et en dehors de cette petite étincelle du moment qui précédait le sortilège. Il s’était parfois surpris à la laisser brûler un peu plus longtemps qu’il n’aurait dû. A l’attiser, même, avec un mot, une phrase, un regard menaçant. Les moldus s’affolaient, paniquaient. Il pouvait raconter les absurdités les plus folles, faire apparaître des choses sur les murs, leur faire pousser les cheveux, les dents, les ongles… puis les leur faire oublier tout aussi simplement. Ils n’étaient rien, ces moldus.

Mais ça n’était pas pour cela qu’il était aujourd’hui présent dans cette salle d’audience. Alors qu’il attendait, assis droit sur sa chaise, une femme entra, suivie par son assistant, visiblement fraîchement diplômé. Elle s’assit en face de lui, sortit de petites lunettes rondes qu’elle posa sur le bout de son nez et commença la lecture de son rapport à voix haute.
« Mr. Jin Young, de la brigade des oubliators, matricule 9411, vous avez été convoqué aujourd’hui pour avoir fait usage d’un sortilège d’Amnésie sur un moldu, à la demande du médicomage Eliott Fortarôme. Est-ce exact ? »
« Oui. »
« Vous pouvez me raconter exactement comment ça s’est passé ? »
Jin s’éclaircit la voix. Il allait mentir, il n’avait pas le choix. De toute façon, c’était trop tard. Il allait faire son possible pour limiter la casse, mais Eliott ne pourrait pas s’en sortir.
« J’ai reçu un message avant-hier de la part d’Eliott Fortarôme, qui me demandait mon aide. Lorsque je me suis rendu sur place, j’ai constaté qu’il avait fait un usage illégal de la magie sur un moldu, dans le but apparent de soigner une blessure mineure sur ledit moldu. Mis devant le fait accompli, j’ai estimé qu’il était nécessaire d’intervenir pour altérer la mémoire de l’homme. Je sais que j’aurais dû prévenir le Ministère avant d’agir, mais le moldu était sur le point d’utiliser un appareil pour prévenir d’autres moldus, d’où ma réaction en urgence. J’ai bien entendu prévenu le Ministère juste après, afin de reporter l’incident. »
Il n’avait pas vraiment eu le choix, quelqu’un avait vu la scène. Un autre sorcier qui aurait pu le dénoncer s’il ne l’avait pas devancé. Mais il avait fallu sacrifier Eliott.
« Cette situation s’était-elle déjà produit auparavant ? »
« Non. C’était la première et unique fois. »
C’était faux, bien entendu. La première fois qu’Eliott l’avait appelé pour qu’il vienne l’aider, il avait paniqué. Mais il avait cédé pour aider son ami. Ça n’aurait dû être qu’une seule fois, une exception. C’était sans compter l’aptitude d’Eliott à se mettre dans les ennuis, et à son incapacité à ignorer la moindre âme en peine qu’il croisait. La scène s’était à nouveau reproduite, puis encore une fois. A celle d’après, ça n’était pas pour lui qu’il l’avait appelé, mais pour l’une de ses collègues à qui il était arrivé la même mésaventure. Jin avait d’abord refusé catégoriquement. Hors de question qu’il se mette en péril, lui et sa carrière, pour cette femme qu’il ne connaissait pas. Ils n’avaient qu’à jeter le sortilège eux-même. La médicomage avait supplié, elle ne voulait pas perdre son métier et sa baguette. Elle lui avait promis de ne rien dire, de lui rendre un service en retour s’il en avait besoin, et de lui offrir des gallions. Jin avait regardé Eliott, et il savait qu’à ce moment il pensait la même chose, et qu’Eliott désapprouvait. Mais après tout, c’était lui qui l’avait appelé. Il ne s’en doutait pas ? Jin avait sorti son carnet, celui dans lequel il notait tout. Sur une nouvelle page blanche, il avait inscrit le nom de la femme. Le moldu avait été oublietté, et Jin s’était retiré, avec un dernier regard pour la femme et cette promesse sur les lèvres. Je n’oublierai pas. Quelques jours plus tard, il avait reçu par hibou la somme qu’elle lui avait promis.
C’était elle qui l’avait appelé la fois suivante, quelques mois plus tard, pour quelque chose de complètement différent. Elle avait brisé par accident une relique ancienne appartenant à sa mère. Elle n’avait pas réussi à la réparer et l’apporter à un professionnel coûterait bien trop cher. Elle préférait se débarrasser des débris, et lui avait demandé de bien vouloir faire disparaître les traces de cet objet de la mémoire de ses parents. Bien sûr, elle paierait encore.
Jin n’avait pas vraiment su comment le mot s’était passé autour de lui, mais rapidement, il avait repris sa liste. Pas besoin d’Eliott cette fois, il avait trouvé un domaine dans lequel il était bon, le meilleur même, et dont tout le monde semblait avoir besoin. C’était incroyable le nombre de secrets que les sorciers avaient à cacher, et surtout combien ils étaient prêt à payer pour sa discrétion. Adultères découverts, héritages volés, squelettes et casseroles de vieilles familles, disputes, insultes, coups bas. Tout était bon à prendre. La liste de noms s’allongeait, avec elle le nombre de secrets auxquels il avait accès. Il était amusant de croiser au Chaudron Baveur cette femme qui avait fait oublier à son frère l’existence d’une montre hors de prix qui appartenait à leur père défunt, ou cet escroc qui, lassé de son amourette avec une moldue, avait préféré disparaître de ses souvenirs. Cela aurait pu continuer longtemps, si Eliott n’avait pas encore une fois été idiot.

La femme examina ses notes pendant un moment. Elle hocha la tête.
« Bien. Aux vues des circonstances et étant donné que c’était votre première infraction, je vais proposer qu’on ne poursuive pas l’enquête. Bien entendu, le reste de la commission devra approuver cette décision.  Je ne peux pas en dire autant de votre ami, en revanche. Ces guérisseurs ne savent pas tenir en place, c’est terrible. Heureusement pour vous, il n’y a pas eu de conséquences avec le moldu. Ça l’aidera peut-être. »
Elle rassembla ses papiers et se leva. Jin l’imita et lui serra la main, avec l’impression d’avoir marché trop prêt du bord d’un précipice.
« Vous recevrez un courrier prochainement, avec la décision finale. Vous pourrez récupérer votre baguette à ce moment là, si le verdict est en votre faveur. Bonne journée, Mr. Young. »
Elle quitta la pièce sans un regard en arrière, son assistant trottinant derrière elle, et Jin se laissa tomber sur sa chaise avec un soupir de soulagement. Il savait qu’il avait de grandes chances de s’en sortir. Bien plus élevées qu’Eliott.

Quelques jours plus tard, le courrier arriva. Comme il s’y attendait, les charges contre lui avaient été abandonnées. Le même jour, on brisait la baguette d’Eliott.


2021

Il avait dit qu’il arrêterait. Il s’était juré de ne plus se retrouver mêlé à ce genre d’histoire, de s’en tenir à une vie calme, droite et honnête. Après l’incident qui avait failli conduire à son expulsion des rangs des oubliators, c’était la meilleure chose à faire. Il avait réussi d’ailleurs. Cela avait été plutôt simple au début, l’angoisse encore fraîchement présente dans son esprit. Il s’était tenu à carreaux. On l’avait même félicité pour son intégrité et sa réaction rapide, et il avait eu un faux sourire, remerciant humblement, déclarant qu’il n’avait fait que son travail. Pour la deuxième fois de sa vie, il s’était demandé comment il avait fait pour s’en sortir indemne. Peut-être avait-il une espèce d’ange gardien veillant sur lui. Un ange gardien sacrément feignant, puisqu’il avait tout de même attendu un sacré bout de temps pour se manifester. Il n’aurait pas dit non à un peu d’aide en grandissant.

Mais au fur et à mesure, l’ennui l’avait à nouveau gagné. En dehors de quelques affaires assez amusantes, les interventions des oubliators étaient la plupart du temps sans rebondissements. Il y avait bien eu la fois où ils s’étaient fait embusquer à trois par un petit groupe d’anti-secret magique. Ils avaient tenté de se battre, mais malheureusement, les capacités de duelliste de Jin n’ayant pas vraiment évolué depuis Poudlard, il avait fini par récolter un sortilège en pleine poitrine, qui lui avait valu un ticket pour Sainte Mangouste. Cela avait été le pic d’excitation des trois dernières années.

Sentant la routine et la solitude l’emporter sur son mental, il avait tenté de se distraire par tous les moyens, et comme lorsqu’il était plus jeune, il n’avait trouvé que le travail pour éloigner les noires pensées qui venaient parfois l’ennuyer. Suivant les vieux conseils de Ji-Hun, il avait depuis son retour en Angleterre continué à entretenir ses notions de la magie des poudres, mais il s’était rapidement trouvé limité par le peu d’accès à ces connaissances qu’offrait la Grande-Bretagne. Il avait alors rejoint un groupe de sorciers expatriés, qui venaient pour la plupart de TánDì BáiShé Zhuán. Malgré sa mauvaise expérience là bas, il s’était surpris à écouter les histoire de ces collègues avec passion et à presque désirer retourner y mettre un pied. Malgré ses voyages réguliers à Deokku, la culture lui manquait. Il avait alors commencé doucement à se réapproprier cette magie, celle de son frère, de ses parents, de son île, de son sang.
En parallèle, il s’était à nouveau plongé dans l’étude des sortilèges et de la magie de l’esprit, toujours plus fasciné par les méandres brumeux de la mémoire et des pensées. Il s’était à nouveau mis à la recherche d’un maître en sortilèges pour le prendre sous son aile, et cette fois-ci, il avait trouvé. Quelqu’un qui avait prit le temps de le connaître, et de lui parler, qui avait vu l’animation avec laquelle il parlait de ses idées, de ses ambitions. Quelqu’un qui prenait le temps d’écouter ses théories, qu’elles soient fumeuses ou non. Quelqu’un qui avait su voir de quoi il pouvait être capable, si on lui en donnait l’occasion. Animé d’un nouveau but, il avait repris goût à la vie et suivait son apprentissage avec application.

Ses jours étaient pleins, son temps libre inexistant, et il était heureux.

Mais c’était cher, tout cela. Entre les grimoires hors de prix, l’apprentissage, les conférences, ses économies déjà peu conséquentes lui filèrent entre les doigts comme de l’eau claire.
Il n’avait pas été difficile de dire oui une fois. Juste une toute petite fois, rien du tout. Effacer une dette de l’esprit d’un créancier, cela n’était rien. Si peu. Mais il n’avait fallu que ça. Comme une goutte de liqueur suffit à retomber, il avait recommencé à accepter d’aider à droite et à gauche. Seulement les amis, cette fois. Plus question de prendre de risques, il serait prudent. Et dès qu’il n’en aurait plus besoin, il arrêterait. Et il repartirait dans la monotonie de tous les jours.

Il y pensait en entrant dans l’ascenseur qui le ferait descendre au bon étage du Ministère. Ironique, une homme qu’il avait aidé plusieurs années auparavant se trouvait là, aussi. II en était certain, d’ailleurs il n’oubliait jamais un visage ou un nom. Il connaissait son secret, mais il pouvait compter sur lui. Il ne parlerait pas. D’ailleurs, il avait fait comme s’il ne l’avait même pas reconnu, il avait marmonné le « bonjour » d’un fonctionnaire las en entrant dans l’appareil, avant de fixer la première page de la Gazette du Sorcier qu’il tenait à la main. L’édition matinale du 13 octobre.

Eileen Crivey

Eileen Crivey

• Portrait : Sunshine like honeycombs ✴ Jin Original_1
• Âge : 35 ans
• Activité : Propriétaire du Paddington Coffee
• Sang : Moldue
• Avatar & Crédits : Deborah Ann Woll • paimfaya
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Félicitations, ton passeport est validé Sunshine like honeycombs ✴ Jin 562420812

Comme ça m'avait manqué de te lire Sunshine like honeycombs ✴ Jin 3994548477 L'histoire de Jin est tellement riche, ça a été un vrai plaisir de la découvrir et même si nous avons supprimé nos messages de bienvenue (quelle idée de faire trois posts Sunshine like honeycombs ✴ Jin 376170600 ), tu sais qu'Azra se joint à moi pour te dire combien on est heureuses de te retrouver ici  Sunshine like honeycombs ✴ Jin 465600225

Tu entres maintenant dans le grand bain d'Hervé. Pour fêter cela, nous t'offrons ta baguette, ainsi que quelques poudres magiques tout droit venues de chez toi.

Afin de pouvoir te lancer en jeu, passe recenser ton personnage, afin que nous puissions l'ajouter aux différents bottins.

Tu peux également aller créer ta fiche de liens afin que les autres membres puissent venir te proposer leurs idées farfelues et ton journal de bord pour garder un historique de l'évolution de ton personnage.
Et si tu cherches des partenaires de jeu, c'est par ici.

Ci-dessous, tu trouveras ta fiche de personnage. Si elle te convient, poste-la dans un nouveau message avec comme titre Prénom Nom ici. Si tu veux la modifier nous pouvons en parler à la suite ou en privé sur discord ou par mp.

Nous te répartissons dans le groupe Réticents, si jamais cela ne te va pas signale-nous ci-dessous.

On a hâte de te retrouver en jeu Sunshine like honeycombs ✴ Jin 2972540279

Jin Young


Âge : 38 ans (29 pts)
Sang : Mêlé
Activité : Oubliator
Points de vie : 8 pvs


Caractéristiques

Esprit : 8
Cœur : 4
Corps : 6
Technique : 0
Magie : 7


Traits

- Magie étrangère : magie des poudres
- Affinité pour les sortilèges
- Hypermnésie



Code:
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<blockquote><span class=infos>Âge :</span> 38 ans (29 pts)
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- Magie étrangère : magie des poudres
- Affinité pour les sortilèges
- Hypermnésie

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