Histoire
TW : Homophobie, torture.
J’ai poussé mon premier cri, plein de vie, un 4 août 1982 au fin fond de l’Angleterre, dans le manoir sombre de la famille Carrow. La fille du benjamin de la branche principale, nièce des terribles Alecto et Amycus Carrow, sans autre aspiration pour moi que de servir ma famille, sage et soumise.
Mais en grandissant, je compris que quelque chose n’allait pas chez moi.
Il me parle de cases, de codes, de modèles.
De honte, de déception, d'une fille infidèle.
Je ne suis pas une erreur
Ne me vois pas comme une erreur
Mais rien ! Tu n'as rien raté,
Car je ne suis pas une putain d'erreur,
Et tu n'imagines pas ta chance,
D'être en accord avec ton corps et ton cœur.
Aime moi papa je t’en supplie aime moi comme avant.
Lorsque je rencontrais les enfants des autres familles, alors que les adultes discutaient fiançailles avec les garçons, mon regard ne s’accrochait qu’aux filles.
Qu’aux
filles. Qui me paraissaient plus douces, plus jolies, plus tout.
J’aimais les filles.Et ma maison devint un cauchemar.
Je me souviens d’une cousine, mon aînée de quelques années, que j’aimais fort, comme la grande-sœur que je n’aurais jamais. Elle, elle l’avait dit à voix haute, devant ses parents et les miens.
Ce fut ma première rencontre avec le
Doloris. Ce fut la dernière fois que je vis ma cousine. Ma mère, le visage tordu de mépris, m’avait annoncé qu’elle serait
corrigée et mariée à un sorcier. Un
homme.Comment grandir ? Comment grandir sereinement, normalement, lorsque ceux qui sont censés vous chérir, vous aimer inconditionnellement, deviennent pour vous un danger ? J’avais beau tout faire pour leur plaire, tout faire pour être la petite fille modèle, à chaque regard je me sentais
fausse. Et mon ventre se tordit davantage lorsque ma mère évoquait avec moi les tractations pour mon mariage.
On veut des femmes qui disent ce qu’elles pensent
Mais pas trop souvent, ni trop fort
On veut des femmes qui savent ce qu’elles veulent
Mais c’est mieux quand elles sont d’accord
On veut des femmes indépendantes
Mais qui demandent la permission
On veut des femmes intelligentes
Mais demandent des explications
Ma lettre à Poudlard fut accueillie convenablement au manoir. J'allais pouvoir y faire honneur à ma famille, nouer des alliances avec les autres enfants avant d’entrer dans le monde. Après tout, je n’avais qu’un an de moins que le jeune Malfoy, Draco.
Et mon cœur se serra quand le professeur McGonagall posa le vieux Choixpeau sur ma tête. Je n'avais pas de doute sur le fait que j'aurais dû aller à Serpentard comme la majorité de ma famille. Captant ma pensée, il approuva même. Me soufflant que j'avais suffisamment d'ambition et de malice pour cela. Cependant, il voyait
beaucoup d'autres choses et sembla hésiter. Je pris alors peur qu’
il sache pour mon secret. Qu’il le révèle ici devant tous, m’interdisant d’étudier ici. Me condamnant à une honte incommensurable. Il ricana en me soufflant que cela faisait en effet partie de moi et que cela allait jouer…
Gryffondor.Le Choixpeau avait hurlé Gryffondor.
J’ai cherché dans les yeux de mes camarades un signe indiquant que j’avais rêvé, que le Choixpeau était encore en train de faire son choix… mais les applaudissements polis et la légère pression dans mon dos avaient achevé de me convaincre que non. Un soulagement. Une honte. J’étais loin de Serpentard, la maison à laquelle ma famille m’avait destinée. Serdaigle aurait été une alternative honorable.
Mais
Gryffondor ? Même aller à
Poufsouffle aurait été préférable.
Je me suis assise à côté de mes nouveaux camarades, des secondes années, et les petits nouveaux qui s’installaient peu à peu… Des inconnus, et une fille de traîtresse-à-son-sang de Weasley.
L’une de ces inconnus était une fillette, avec des yeux qui pétillaient dès qu’elle posait son regard quelque part. J’avais cru à une Sang-de-Bourbe. Elle était pire. Fille d’un moldu et d’une Cracmol. Comment un échec pareil était-il finalement capable de magie ?
Ann Leod.Elle me courut sur le haricot, rapidement. À tout découvrir, à sourire, à s’émerveiller pour un oui ou pour un non. À être
gentille avec moi. Elle n’était qu’une sang-de-bourbe, comment osait-elle me tendre la main ?!
Lorsqu’enfin, je lui ai craché mon venin longuement ruminé, lui demandant pourquoi est-ce qu’elle agissait comme ça, avec moi alors que je n’avais que du mépris pour elle, sa réponse m’a fait l’effet d’une douche froide :
“Parce que tu es malheureuse."Je ne me souviens plus vraiment si je lui ai répliqué quelque chose. J’étais restée fixée sur ses yeux honnêtes. Je crois que je suis partie.
Il était attendu que je me réjouisse de la chasse aux Sangs-de-bourbe par l’héritier de Salazard Serpentard. J’aurais dû, je le savais. J’aurais dû. Mais il y avait cette brunette, avec ses yeux pétillants. Elle, elle était une Sang-de-bourbe. Plutôt, elle se présentait comme Née-moldue. Donc, en danger.
Je me suis employée à la garder proche, essayant de faire taire ces papillons qui s'agitaient peu à peu au creux de mon ventre. Je connaissais ces symptômes.
Ma première année passa, puis ma seconde. Je m’appliquais à être une excellente élève. Gryffondor certes, mais je restais une Carrow et je devais donc faire honneur à ma famille. Je me suis aussi rapprochée d’Ann. Mais elle est restée pendant longtemps un secret, car j’avais peur. Des autres élèves, des Sang-Purs, et de ma famille. Je me suis aussi rapprochée de Ginevra Weasley, en camarade de classe. Une relation cordiale, toute aussi distinguée que pouvait l’être une relation entre deux gamines de douze ans. Faisant fi de la réputation terrible qu’elle avait acquis après l’histoire de la chambre des secrets.
Je me suis sentie plus libre, lors du Tournois des Trois Sorciers. Tous les regards étaient tournés ailleurs, sur Potter notamment qui n’avait pas pu s’empêcher de faire
n’importe quoi. J’ai flirté avec les jolies filles de Beauxbâton. Ann n’avait rien dit, mais j’avais à plusieurs reprises aperçu un léger froncement de sourcils. Je l’aurais bien invitée au bal, si ça avait été possible. À la place, j’ai accepté la proposition du premier garçon venu. Un Serdaigle je crois. Je ne m’en souviens plus vraiment. J’étais beaucoup trop subjuguée par la tenue d’Ann…
Mais… mais le Seigneur des Ténèbres est revenu. Il a tué Cedric Diggory et a chamboulé ma vie.
Ma famille était…
extatique. Mon père est resté en retrait, prétextant s’occuper de la logistique des Carrow, mais mes oncle et tante n’arrêtaient pas de se rendre au Manoir Malefoy. Je passais mes vacances à épier, l’air de rien, les nouvelles qu’ils pouvaient laisser filtrer. Prête à dire à Ann de fuir si la moindre attaque était prévue. Je devais être une des rares Gryffondor à croire Potter alors que tout le monde s'évertuait à lui cracher dessus. Mais jamais je ne l’aurais avoué. Autant me coller l’étiquette
Apprentie Mangemort sur la tête.
L’Armée de Dumbledore.
Un nom pompeux, je me souviens avoir pensé. Et pourtant, Ann y a foncé tête baissée dès que Ginevra en a parlé, à mi-voix, derrière les tentures de son lit. J’y ai aussi pris part, dubitative. Se défendre à coups de
Expelliarmus contre Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom et ses sbires ? Allons bon… Mais au moins, j’avais accès à toute cette magie de DCFM que je n’aurais jamais pu apprendre dans ma famille, ou cette année-là à Poudlard. Et puis, Ombrage nous menait la vie dure. À toujours épier, scruter, avec ses haut-parleurs magiques et sa Brigade inquisitoriale. Je me repliais dans l’intimité des salles vides et des tentures des baldaquins.
“Les garçons et les filles ne sont pas autorisés à être à moins de quinze centimètres les uns des autres.” La blague. Si elle savait.
J’espérais profiter de mes vacances scolaires pour savourer cette ambiance pour ce qu’il me semblait être la dernière fois. Mais ma famille ne l’entendit pas de cette oreille. De nombreux fidèles du Seigneur des Ténèbres s’organisaient. Des alliances se nouaient. J’entendais des bribes ça et là mais jamais tout. J’ai envisagé plusieurs fois de prévenir des professeurs ou Potter. Mais qui m'aurait crue ? Quelques fois, certains ont suggéré que je prenne la marque, d’autres non car on me voyait bien plus comme un objet d’alliance que comme une combattante. J’ai tout fait pour l’éviter. J’étais amoureuse d’une sorcière au sang impur. Je ne pouvais plus être indifférente à tout ce qu’il se passait autour de moi.
Ann sentait ce changement en moi. Je tentais de mettre le tout sur les examens et l’annonce du retour de Vous-savez-qui. Mais elle n’était pas dupe. Elle me réconfortait au mieux et notre relation se renforça malgré toutes les barrières que j’essayais de nous imposer.
Et puis les Mangemorts ont envahi Poudlard et tué le Directeur. Tout a basculé. Ce que tout le monde considérait comme le dernier bastion contre le Seigneur des Ténèbres venait de tomber. Mon oncle et ma tante étant présents ce soir-là, j’eus droit à tous les détails et leurs hurlements de joie finissaient d’écrouler mon monde. Encore plus en apprenant qu’ils allaient “enseigner” à Poudlard.
J'ai supplié Ann de fuir. D’emmener sa famille loin, dans un autre pays. De ne surtout pas revenir à Poudlard. Sauf que cette fichue teigne était là, sur le quai 9 ¾, l’air obtu et déterminé. Me disant de ne pas m’inquiéter pour sa famille ni pour elle.
Un tri a été effectué sur ce quai. Les nés-moldus ont été rassemblés, leurs baguettes confisquées et certains emmenés Merlin savait où. Quand est venu le tour d’Ann, j’ai nonchalamment énoncé que sa grand-mère était sorcière. Elle n’était donc pas née-moldue techniquement. Même dilué, du sang sorcier était présent dans ses veines. Je l’ai dit avec le plus grand mépris et dégoût dont je pouvais faire preuve. Puis je l’ai ignorée en public afin de la protéger. Mais des Serpentards, hardis par la présence des mangemorts, les ont mis au courant de mon “amitié” pour la sorcière. Commença donc un enfer pour nous deux.
Rebelle par nature, Ann tint tête dès qu’elle le put, finissant en retenue presque aussi souvent que Londubat. Mon oncle me contraignit alors à "m'entraîner" au
Doloris sur Ann. Jamais sur un autre élève… Un moyen de nous punir toutes les deux.
Elle ne rechigna pas.
"Fais-le. Fais-le, parce que si tu ne le fais pas, ils le feront sur toi et ils te tueront."J’avais refusé la première fois. Incapable de la blesser. Mon oncle lui fit payer le double en représailles. Me glissant à l’oreille qu’il pouvait faire bien pire si je ne lui obéissais pas.
Et peu à peu, malgré les soins de Miss Pomfresh, des séquelles s'installèrent, notamment dans son bras gauche. Je la voyais parfois se mordre le bras jusqu’au sang le soir, dans l’espoir de calmer la douleur et les tremblements qui le frappaient. Mon coeur se brisait un peu plus chaque jour. Encore plus lorsque je découvris par hasard qu’elle avait rejoint une nouvelle AD dont j’avais été sciemment mise à l’écart à cause de mon nom.
Je deviens malgré moi une experte en comédie dans la manière de doser et mimer le Doloris. Nous avions monté une scène. Moi modulant la douleur et Ann en exagérant ses cris qui pourtant me vrillaient la tête et hantaient mes cauchemars à chaque fois.
Lorsque vint la bataille de Poudlard, les Serpentards furent enfermés à double tour dans les cachots. Et lorsque les regards se tournèrent vers moi, Ann proposa de m'enfermer aussi, elle-même. Je crus une seconde qu’elle allait se venger de moi, mais une fois à l'écart, elle m'offrit la chance de fuir. Parce que tout le monde voudrait ma peau. J’ai hésité. Pas parce que j’avais peur de mourir mais peur pour elle. Rester, c’était une chance de plus de la protéger en faisant hésiter un mangemort, ou bien risquer d’attirer sur elle la méfiance et l'agressivité de mes camarades de promo. J’ai vu passer dans son regard une hésitation également. Celle de me lancer un
Petrificus totalus et de m’enfermer dans un placard pour me garder à l’abri. Au lieu de cela, elle me rendit ma baguette et m’ordonna de ne pas la quitter d’une semelle.
Ce que je m’appliquais à faire. Ne pas la quitter de vue, la garder à bout de baguette, faire déferler sort sur sort pour attaquer et défendre. Nous nous en sortîmes vivantes. Blessées, épuisées, marquées, mais vivantes. Ce qui ne fut pas le cas de certains de nos camarades de classe, de l’Ordre ou de l’AD.
Une fois le Seigneur des Ténèbres vaincu et le conflit fini, de nombreux membres de ma famille furent arrêtés.
Justice ! réclamaient de nombreuses familles en deuil. C’est aussi le mot qui résonna dans mon esprit lorsque je retrouvai Ann à St-Mangouste. Je découvris alors que son bras gauche était sujet à de nombreux problèmes neurologiques à cause des Doloris qui avaient pu lui être infligés. Que
je lui avais infligés. Mais je savais que beaucoup plus de personnes que seuls les Mangemorts arrêtés à Poudlard étaient coupables. Je l’étais moi-même un peu… Mais elles ne seraient jamais inquiétées et pourraient même un jour représenter à nouveau une menace. C’était bien arrivé pendant la Première Guerre. Lorsque je fus interrogée dans le cadre de l'arrestation de ma famille, je fis alors une proposition aux Aurors. Une proposition que je savais qu’ils ne pourraient pas refuser.
Je leur donnai tout ce que je savais. Les cachettes, les objets, les gens reliés à la magie noire et au Seigneur des Ténèbres. Et en échange, ils me garantissaient l’immunité et une place au Ministère avec la formation adéquate après ma dernière année. Qu’importe le service. Je leur proposais même celui liés aux moldus pour leur montrer que je n’avais plus rien à voir avec toutes ces histoires de sang pur. Puis, après tout, je m’y connaissais bien mieux que ce que certains pourraient imaginer grâce à tous les enseignements de ma correspondante née-moldue. Je savais que sans ce genre de place sécurisée, j’avais peu de chance de trouver un emploi. Mon nom était bien trop connoté. J’échangeai donc ma famille contre un nouveau futur. Ce fut une des actions les plus dures de ma vie,
mais aussi la plus brave me chuchota Ann alors qu’elle m’enlaça avec fierté. J’eus l’impression pour la première fois de comprendre la décision du Choixpeau.
Les procès n’eurent pas lieu au lendemain de la bataille, mais deux années plus tard. Le Ministère nous renvoya sur les bancs de l’école - sauf Potter et Weasley, qui n’avaient de cesse de se battre pour une cause ou pour une autre. Une septième année, pour terminer nos études.
J’ai envoyé chier toutes les convenances. Je suis sortie avec Ann. Je partais avec elle pendant les vacances, dans sa famille, et découvrais le monde moldu dans son quotidien. Je tentais de retisser des liens mis à mal pendant l'Année Noire. Mais plus rien n’était pareil. Plus rien, plus jamais.
Lors de mon audition pour les procès, je me rendis alors compte de tout ce que je savais. C’est fou ce qu’on peut apprendre lorsqu’on laisse traîner ses oreilles de jeune fille inoffensive lors des repas de famille ou d’amis. Trafics, chantages, vols, recels, tortures, meurtres. J’avais de quoi en faire tomber beaucoup. Et mon témoignage avait même réussi à en entraîner d’autres.
Traîtresse, Opportuniste, et bien plus rarement
Courageuse sont alors devenus des adjectifs qui suivirent mon sillage quand les procès prirent fin. Parfois chuchotés, parfois criés. Cependant, je ressentis pour la première fois un sentiment que j'inspirais à pleins poumons lors de ma sortie du Ministère. La Liberté. Plus de pression familiale des Sang-Purs ni cette menace constante liée à Celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom. Je pouvais voir et aimer qui je voulais. Et tant pis pour ceux que je pourrais choquer. Je n’étais plus à ça près.
Mais… mais avais-je réellement fait ça ? Trahir ma famille, trahir mon nom ? La réalisation m’assomma brutalement.
"Nous sommes liés à notre famille dès notre naissance. Notre liberté n'est qu'illusoire et nous ne sommes pas autorisés à grand-chose." - Koré Yamazaki
Je restais allongée sur le sol de notre collocation toute la journée, comme sonnée. Incapable de formuler quoique ce soit. Comme si rompre les ponts avec ce que j’étais ancrait ce qu’ils avaient fait de moi. Tout détruire pour obtenir ce que
JE voulais et me sauver. J’étais bien une Carrow en définitive. Ann me rejoignit et me demanda, avec sa subtilité habituelle, si je voulais pleurer.
“Je ne peux plus pleurer plus. Parce que c’est épuisant, que ça me donne mal à la tête. Et je suis déjà si fatiguée. Mais je n’arrive plus à dormir sans voir tout défiler à nouveau. Sans entendre leurs menaces, les voix de ceux qui me jugent, leurs regards…”“Est-ce que crier te ferait du bien ?”Après un instant de réflexion, j'ai hoché la tête.
“Alors crie. Tu as le droit avec ce que tu vis.”J’ai alors inspiré pour essayer, mais rien ne venait. J’ai simplement soufflé en tapotant ma tête contre le sol. J’ai retenté mais cela se transformait seulement en un sanglot étouffé mêlé à un rire. Je me suis alors rendue compte que je n’avais jamais vraiment crié dans ma vie.
“Là, ce que je veux faire c’est crier jusqu’à ce que ma gorge me fasse mal plus que ma tête, ma poitrine et mes tripes. Crier jusqu’à ce que cette pression s’échappe. Mais j’en suis incapable”Ann me força à me relever, têtue, et lança un puissant sortilège d’insonorisation dans notre petit appartement.
“Alors crie, laisse tout cela sortir.”“Ann je ne suis plus une enfant, je… je n’ai pas vraiment besoin de ça…”“Crie !”“Je ne peux pas !”"Fais-le !"“Non !”Ann cria comme pour me montrer comment faire. Je me détournais pour partir de cette situation ridicule avec l’intention de me rouler en boule sur le sol de la douche. Puis je me retournais brusquement avant de crier à l’unisson avec elle alors que mes nerfs lâchaient complètement. Je me suis mise à taper le mur et du pied comme pour me libérer. Faisant peut-être le seul caprice, la seule crise que je n’ai jamais pu faire depuis que j’étais toute petite. Avant de la serrer dans mes bras de toutes mes forces.
Tu sais très bien pourquoi nous sommes là
A bout de souffle après tout ce temps
Non moi non plus ça ne m'enchante pas
Mais de toute façon rien ne m'enchante en ce moment
Vois nos vêtements en lambeaux
Et ce sentiment de solitude
Et toutes ces marques sur notre peau
Ont des relents de triste certitude
C'est comme si tomber amoureux
Nous avait fait tomber, tous les deux
Ecoute-écoutons notre instinct de survie
Sors de ma vie, avant que je ne détruise la tienne
Bâillo-Bâillonnons nos coeurs, en cage dans nos poitrines
Je vécus pleinement ma relation avec ma sorcière inconsciente. Enfin, nous avons essayé. Suite à sa formation pour devenir Auror, nous nous sommes progressivement éloignées. Je crois que quelque chose de trop douloureux s'était installé lors de cette Année Noire et avait grandi. Et puis, comment continuer le quotidien quand ma culpabilité ressurgissait au moindre tremblement de ses doigts, à la moindre tache de sang sur nos draps ? Qu’elle était devenue bien plus grande et lourde que mon amour pour elle ?
Ce fut avec tristesse et amertume, mais sans rancune, que nous nous séparâmes lorsqu’elle m’annonça qu’un homme lui avait demandé de sortir avec elle et qu’elle voulait accepter. Je ne pouvais même pas lui en vouloir. Nous sommes restées des amies très proches et avec le temps je fus même heureuse pour elle. Elle réussit son examen pour devenir Auror, se maria et me demanda même de devenir sa témoin. Puis elle eut des enfants dont je suis devenue la marraine bien malgré moi.
De mon côté, j'ai vécu de nombreuses mais courtes relations avec des femmes. Puis, par intérêt, avec des hommes. J’avais du charme, un physique avantageux et je découvris comment en jouer mais sans jamais me laisser attacher. Ignorant les jalousies et les convenances.
Je vois bien que tu aimerais que je sois à toi
Mais je n’appartiens à personne
Peu importe que tu m’aies touché du doigt
Nous ne sommes liés par aucun serment alors pourquoi
Faire d’une ou deux nuits blanches
L’occasion de m’imposer ta loi
Tel un roi, qui décide, où vont ses sujets
Mais moi je me fiche de ton insécurité
Je me déshabille pour qui je veux
Et pourquoi pas certains que tu connais
Je vois bien que tu aimerais faire tout comme moi
Mais tu crains les « qu’en dira-t-on »
Tu crains d’être montrée du doigt
Tu as cloisonné tes désirs tout au fond de toi
Et pour mieux les enterrer
À ton tour, tu m’imposes ces lois
Mais le désir bouillonnant
Qui coule oh coule dans mon sang
Ne se tarira pas ce soir
Il noie tous vos mots méprisants
J’n’ai que faire de votre morale
J’ai trop souffert de vos semblables
Rien à foutre que ça vous déplaise
Ce soir encore, il y a quelqu’un qui me baise
Je trouvais toujours charmante compagnie, me forgeant des contacts et même des amis. Je découvris même que j’étais attirée par les garçons sans même que ce soit à cause du lavage de cerveau de ma famille.
Le Ministère et les Aurors tinrent parole. À leur manière.
J’eus une place en Droit magique, où je tissais des liens fragiles avec celles et ceux qui furent mes futurs collègues. Je me démenais pour être la meilleure, la plus organisée, la plus efficace, la plus indispensable. Être force de proposition. Être plus qu’un nom, qu’une trahison ou qu’une mauvaise réputation. Changer ce nom, en faire quelque chose de meilleur. Je passais et réussissais un à un mes examens, mes concours, mes entretiens.
J’appris à utiliser mon nom et mon statut de Sang-Pur pour ouvrir des portes et forcer des occasions. Rappeler que j’étais peut-être une jeune sorcière, une noble, mais une actrice de la chute de Vous-savez-qui et une Gryffondor. Cependant, certains sorciers ont la mémoire longue et la rancune tenace, et n’hésitèrent pas à me mettre des baguettes dans les roues pour ralentir ma carrière, voire lui nuire.
J’optai donc pour une direction surprenante pour mes détracteurs. L’une de celles que j’avais énoncées lors de mon accord avec les Aurors.
Le Bureau de Liaison avec le monde moldu.Je connaissais le monde moldu. Du moins, c’était ce que je pensais. Je pris conscience des rouages, des milliers de règles de consignes d’arrêtés de décrets de circulaires qui régentaient les relations entre nos deux mondes.
Et qui dit règles dit paperasse.
Beaucoup de paperasse. Préparer les dossiers, les mettre continuellement à jour, les synthétiser pour le Ministre, communiquer, approuver, refuser, nouer les partenariats, surveiller, arbitrer, transmettre, accompagner les institutions et les sorciers. Un travail quotidien titanesque.
Mais dit aussi interlocuteurs spéciaux. Dont un avec un foutu sourire en coin.
Eirin Noch. Mon correspondant au gouvernement moldu avec lequel je traitais presque quotidiennement.
Je fis de mon mieux pour rester professionnelle. Pas de sexe avec les relations de travail, c’était une règle que j’avais fini par m’imposer. De plus, il avait déjà une sacré réputation avec d’autres demoiselles du service. Cependant, ce renard creusa son terrier dans ma vie, à coups de professionnalisme, de respect, de plaid, de moments doux et de repas élaborés.
Nous partageâmes plus que cela.
Et, de charme en séduction, de coups d’un soir en rendez-vous convenus, il tomba amoureux.
Non, pas lui… Je ne pouvais pas.
Je ne pouvais pas. S’il voyait le monstre que je suis, tout ce que j’avais pu faire, les cris, les blessures, les cicatrices d’Ann. Le
Doloris qui crépitait parfois au bout de mes doigts. Je ne pouvais pas le laisser approcher plus. Malgré toute l’affection que je ressentais pour lui.
Il ne dit rien de plus. N’insista pas. Nous continuâmes, comme avant.
Au grand damn du tableau dans le bureau de la Première Ministre moldue.